On livre à domicile.
Les « botiques ås tchiques » sur 10 m², la commerçante prête à bondir de la pièce « de derrière », la main posée sur une cafetière pour s’y réchauffer, c’était il y a près de cent ans, c’était hier.
La réclame, comme on disait alors, était sur carton, parfois de luxe sur plaque émaillée.
« Tabac Gosset, ma pipe et mon briquet », le carton représentait un vieux monsieur du genre capitaine Igloo. Il tenait une pipe courbe à la main. Son bonheur était sans mélange, puisqu’il ne connaissait pas les effets néfastes du tabac. Il en vantait, au contraire, les vertus, avec le pouvoir philosophique de faire des ronds de fumée, quasiment sur prescription médicale, pour conserver du souffle.
C’était dans les années 30.
La radio, Liège Expérimental, dans les anciens locaux du journal La Wallonie, servait de support à la réclame. Une divette du Troca nasillait toutes les heures : « Achetez salle-z-à manger, achetez chambre-z-à coucher, chez Wolf, chez Wolf ». La répétition allait crescendo jusqu’à ressembler à un hurlement plutôt qu’un contre-ut, afin que les clients s’imprégnassent du nom du fabricant, au point de ne pouvoir recourir à la concurrence, sans éprouver une gêne profonde qui ressemblait fort à de la trahison.
Personne ne croyait vraiment que les voitures d’enfant étaient meilleures chez Session, rue Puis-en-Sock ; mais, on y achetait la sienne à cause de la situation du magasin, au centre d’Outremeuse. A la devanture, une petite fille en carton attaquait le sol d’un pied léger, montée sur une trottinette munie de pneus « ballons » d’un blanc immaculé. Le plaisir saisissait l’enfant badaud. La vitrine était basse, sans muret, de la rue on voyait tout l’intérieur.
La caissière en tablier de satin noir – comme les ouvreuses de l’OMK – vous faisait l’article, dès qu’on ouvrait la porte. Un monsieur rondouillard, alerté par les voix, descendait de l’étage par l’escalier en colimaçon. Il était en cache-poussière gris, signe de sérieux, pour un patron.
De nos jours, on ne fait plus de la propagande, on fait de la Com !
Est-ce que cela change grand-chose ? La camionnette avec diffuseur qui vante les qualités d’un tribun, c’est du passé. L’ampli portable n’est plus utilisé que par le marchand de ferrailles.
Les enveloppes en ont vu de toutes les couleurs : de l’emballage en gris tristounet, des carnets brun caca d’oie de la Vierge Noire et les « soap » des Quintuplées canadiennes de 1936 au design rose, on est passé au chatoiement des papiers de soie. Parfois, la firme s’adjoignait un docteur tant-mieux, sigisbée de l’abbé Souris, à croire que l’abbé et lui « en étaient », par la grâce d’une commune jouvence.
Faire de la Com, c’est faire de la propagande, mais le mot rappelle de mauvais souvenirs.
La propagande a été trop utilisée par des régimes totalitaires, pour que Séguéla ait résolu de ne pas gagner sa première Rolex sur le mot. Il fera de la Com… C’est mieux que la Propagandastaffel façon Goebbels. Pourtant, on aura beau masquer la chose au grand public, faire de la communication, c’est faire de la propagande !
Aujourd’hui le réalisme saisit le client. Le fond de gorge d’un fumeur cancéreux ressemble aux grottes de Remouchamps, les fosses nasales d’un enrhumé au labyrinthe du Minotaure et le sexe de la femme à un bonnet de parachutiste plié en deux, glissé sous la patte de l’épaulette.
Ces images existaient déjà sur le livre illustré publié en 1905 du médecin des familles. Mais elles y étaient trop sous le prétexte de la vulgarisation scientifique et de la prophylaxie. Les corps incomplets ne donnaient qu’une excitation partielle au pré pubère feuilletant. Un sein en coupe expliquant la lactation du nouveau-né ne valait pas les femmes de Marie-Claire en petites tenues en présentation de la lingerie parisienne.
Ainsi, la propagande qui s’appuie sur le témoignage d’une personne ayant perdu trente kilos en quinze jours, ou d’un gay ayant vaincu des hémorroïdes disgracieuses, relie le monde de la preuve en chair et en os, à celui des experts.
Il faut avoir une valeur « spéciale » pour s’exprimer sur les plateaux ou dans les journaux : la gueule de l’emploi, et la garantie du docteur X.
Le domaine politique est aussi celui de la propagande par excellence et l’enjeu d’une reconnaissance qui pèsera lourd dans l’urne.
Dans l’organisation d’un plateau, c’est une obsession d’afficher une belle neutralité par le pluralisme sélectif. Vrebos, Maroy et Gadisseux passent des soirées à discuter avec les rédactions, des préséances, des stars et des invités de second ordre.
Comme toute opinion n’est pas également légitime, la liberté de les exprimer est le résultat d’un rapport de forces permanent entre organisateurs et invités.
Bref, pub et com sont partout.
Ça commence à faire gerber, jusqu’aux utilisateurs les plus convaincus de l’inutile.
Commentaires
Bonjour Richard,
Je pense que l'on peut avoir quelque espoir pour l'émission "Mise au point" de ce dimanche. Marcel sel est invité (Auteur de l'excellent "Un blog de Sel").
En espérant évidemment qu'il ne soit pas considéré comme invité de second ordre et qu'il puisse développer son argumentation.
Postée le: Pascal | juin 5, 2011 12:12 AM