Comte-Spongieux en ville.
Deux du club de la sagesse Kierkegaard pouvait plus se sentir. Un dur de la feuille et l’autre qui gueulait dessus à couvrir Hallyday dans un stade. Il aurait dû aimer ça, le sourdingue, pour l’aisance auditive. Eh bien non ! Ça lui faisait pas plaisir du tout qu’on débouchât ses cornets. Il avait comme des retours d’acouphènes. Il trifouillait dans ses appareils, les renfonçait dans les conduits. Peine perdue. Ses tympans reconnaissaient l’ennemi. L’allergie était glandulaire. Des sifflements lui sortaient de la tête. Quand ça veut pas l’électronique !...
Faut dire qu’au club, il se passait pas une semaine sans qu’un ou l’autre loustic sombre dans la connerie, qu’à côté De Wever et Di Rupo ont l’air de deux demoiselles qui pestent pour une chiure de mouche sur la dentelle de leur mouchoir.
Le club était né de la confrontation d’une idée avec une autre, comme l’accélérateur en Suisse dans laquelle des protons et des ions voyagent de telle sorte que du choc frontal naît une énergie. C’était dans les affres de la différence que quelqu’un avait dit « le débat philosophique, c’est des particules qui s’entrechoquent à grande vitesse ».
On savait pas qu’on allait avoir des discussions qu’auraient été jusqu’au meurtre sur la question, de savoir si Dieu est bon, ou s’il est très bon.
A ce fléau vint s’ajouter un autre, celui-là à tomber raide : l’esprit de contradiction.
Le sourdingue et son ennemi n’avaient pas leur pareil.
Même des dates certaines, 1789, 1815, 14-18, ils finissaient par chipoter quand un des deux était braqué, l’autre jurait que l’armistice de 18, en réalité, c’était en 19 !
Qu’est-ce qu’on n’a pas entendu sur les dates de la bataille de Stalingrad, qu’était plutôt une fine période moins répandue dans les manuels que Marignan 1515.
C’est dire comme la philosophie n’en était plus, l’histoire non plus, d’ailleurs, dans la bataille des dates.
Des dames venaient y faire un tour, histoire de renifler du mâle. Les solitudes sont pesantes à partir de la belle soixantaine. Elles se faisaient du philosophe des images de sages barbus, avares et pleins de picaillons. Par amour ils débrideraient leur porte-monnaie en des tour-operators, dans l’espoir qu’une tentative au Viagra leur redonnerait l’occasion d’une nouvelle vie à deux. C’est fou comme les veuves ne connaissent rien aux hommes !
Beaucoup venaient qu’une fois. L’échantillon ergotant sur Hadès était pas dans leur style. Le retraité qu’en a de côté est un avare dont l’aigre n’est pas de philosopher, mais de mettre ses dépenses en équation. Le philosophe est un braillard fauché qui a perdu l’ardeur de l’hoplite.
Quoique dans les prix, elles étaient pas contentes de leur affût. Malgré des déguisements de chasse à faire fuir un colvert, le gibier valait pas la chevrotine. Elles si distinguées, jeunes encore, comme sorties du pensionnat malgré trente ans de vaisselle pour un mari mort, elles finissaient par regretter le peu de conversation au lit du défunt.
Elles voyaient pas le fripon beau gosse, manier Wittgenstein, jurer que Kant s’était jamais branlé ! Elles auraient voulu que l’engeance passât aux actes rien que pour voir, si les grands textes font les grosses bites. Mais la sagesse, c’est pas DSK qui démentira, ça tire pas un coup pour frimer en philo, ça n’en tire même plus du tout, quand c’est qu’on comprend que Platon se tapait plus Alcibiade au gymnase sous la douche, depuis qu’était rentré de chez Denis, décapsulé et revenu de tout.
Elles entendaient rien aux diatribes. Dieu existe ! Bon et alors, qu’est-ce qu’on fait ? Et les deux qui n’attendaient qu’une date derrière un mot pour s’empoigner. Jésus est pas né l’an 1, ni l’an zéro. On s’en tape. Moi, j’suis de 48 et je t’emmerde. Ambiance !
Par hasard, quand une dame héroïque qu’avait plus sa tête à elle ou qui pensait plus jamais rencontrer l’âme sœur, revenait en deuxième séance, histoire de se prouver qu’elle avait pas eu la berlue, et qu’elle tombait sur les deux loustics à s’envoyer des vannes à faire péter les carreaux, fallait qu’elle soit barjot pour revenir une troisième.
On en connaît qui sont restées, malgré tout, stoïques. Une, à force de persévérance, a même fini en couple avec un du club qu’on entendait jamais. C’était un client du café d’en bas qui s’était trompé de porte et au lieu d’aller pisser était resté coincé entre deux lacaniens, trop timide pour déranger une deuxième fois !
La pauvre en pouvait plus d’attendre qu’un charron graisse l’essieu. Au moins avec le taiseux, elle avait une chance de tomber sur un faux philosophe. Un sportif par exemple ? Quelqu’un qu’écrit Nietzsche avec trois fautes, le bonheur ! C’était bien vu.
C’est ce jour-là que les deux hurleurs s’injurièrent à propos d’une interprétation : fallait-il dire Dècartes ou Dessecartes à propos de Descartes ? Sujet d’une gravité extrême. On a bien cru au café du rez-de-chaussée, qu’on troussait de la rombière récalcitrante, au point que le garçon est venu voir ce qu’on foutait.
Le sourd qui s’entêtait dans le Dessecartes avait jeté son « kit Robert Hossein » sur la table, l’autre cinglé emplissait l’air de ses cris. Dècartes emporta le morceau. Plus jamais on l’a revu, le sourd.
Le taiseux, depuis qu’il était en couple, s’était mis à parler. C’est lui qui nous a appris que Dessecartes était mort peu de jours après la séance des cris.
On l’a pas cru. C’est un fait. Pourtant, on l’a jamais revu. Quelques mois plus tard, un petit vieux qui ressemblait vaguement au disparu, à cause d’un râtelier mal ajusté, dit « dessecarpes ». Un placenta de Derrida ajouta « C’est l'autre qui revient …avait avalé l’arête ».
Commentaires
A se rouler par terre...:))
Postée le: michel | juin 16, 2011 12:20 AM