Un expert.
- Monsieur Vincent Gabert, rue du Maréchal Foch à Torigni-sur-Vire ?
-Bin oui. Gabert, ci-présent, rue du Maréchal Foch, 27, nom de dieu !
-Vous avez été tiré au sort pour faire partie d’une médiation internationale dans le but de sortir la Belgique de l’impasse.
-Attends, mon gars, t’es bin sûr que c’est pour l’père Vincent, cette connerie là ?
-Vous êtes sélectionné, qu’on vous dit !
-C’est quoi que j’aurais comme cadeau ?
-Ce n’est pas pour la télévision. Ce n’est pas un jeu…
-Alors quoi, où que ça m’intéresse, votre bazar ?
-La Belgique vous connaissez ?
-J’suis pas con. C’est parce qu’on n’est pas des Parisiens, qu’on sait pas qui c’est qu’ont foutu le camp en 40. Tiens demande à Renée, dans la ferme du bois, elle en a gardé deux jusqu’en septembre 40. Même qu’un lui a fait un enfant, le grand Louis qui vit toujours…
- D’accord. Bon, vous connaissez. Vous êtes bien Français ?
-Faut croire…
- C’est sur l’idée du député belge MR, Alain Destexhe, qui propose de faire appel à une personnalité européenne pour sortir la Belgique du pétrin….
-Je savais que c’était une couille ! Une personnalité européenne, le père Vincent ? Je te connais, toi, tu serais pas, par hasard, le neveu de Roger, le patron du « P’tit calva » sur la route de Vallonville ?
-… que vous avez été tiré au sort et moyennant un défraiement…
- ?
-Oui, une certaine somme d’argent, en échange de quoi, on vous demandera la façon dont vous sortiriez la Belgique de la mauvaise passe où elle est, comme si vous étiez un décideur.
-Ah ! mais, fallait le dire tout de suite que c’est payé… Qu’est-ce que je dois faire ?
-« A partir du moment où les deux grands vainqueurs de chaque communauté se révèlent incapables de dégager un consensus, il me semble que nous n'avons guère d'autre choix que de recourir à une médiation internationale afin de sortir de la logique de « bloc (flamand) contre bloc (francophone) » qui prévaut actuellement " a dit Alain Destexhe.
-C’est bin vrai que les blocs, ça conduit pas à construire quand i’ sont en tas depuis l’hiver dernier, derrière au Plat-Pré et qu’a personne pour les remonter de la Vire…
-C’est pas des parpaings, M’sieu Vincent Gabert qu’il s’agit, mais des communautés, par exemple ceux de Vallonville contre ceux de Torigni-sur-Vire. Le recours à une personnalité neutre permettrait de faire descendre les tensions d'un cran.
-Et combien tu paierais, fiston, que j’y dise ce qui faut faire aux blocs qui sont pas des parpaings ?
-Mon enveloppe est de cent euros.
-T’entends ça Andrée ! Je vais pas risquer de me mettre entre deux blocs pour cent euros, tout de même !
-En ces heures difficiles pour la Belgique, il est impératif que chacun fasse des propositions afin de relancer les négociations. A défaut, c’est l’existence même du pays qui commencera à se poser.
-Et alors ?
-Voilà, Alain Destexhe me charge de vous dire…
-Ah ! nom de dieu, va chercher le fusil, Andrée, juste quand j’allais prendre l’apéro au « P’tit Calva » !... pour cent euros…
-J’pourrais peut-être payer en plus une tournée générale au troquet que vous dites ?
-Ah ! bin, c’est pas de refus. Mais, j’ai dans le gousset ce qu’est promis ?
-Les cent euros, c’est pour vous…
-D’accord. On y va à pied, c’est pas loin…
-Ainsi, j’aurai encore d’autres avis pour Monsieur Desthexe…
-Qui c’est d’abord, ce con là ?
-C’est un député du Mouvement Réformateur… qui veut plus de bagarre entre les blocs…
-I’ devrait essayer le Père Magloire, avant de réfléchir à rien. C’est ce qu’on va faire mon gars. Et tu viens de Belgique pour m’dire qu’on m’a tiré au sort ? C’est des tordus, hein, les députés ? Qu’est-ce que ça peut foutre qu’ils se tapent sur la gueule, les blocs ? Dimanche dernier, Andrée était aux vêpres et le mari de chose – je te dis pas le nom – au football à taper sur la gueule des bleus du Racing de Pont-L’Evêque… et où c’était qu’il était pépère, le nouveau conciliateur ? Devine ?
-Non.
-En train de baiser la Charlotte pour pas qu’elle tombe en hystérie.
-Vous signale que vous venez de dire le nom que vous taisiez.
-Merde ! J’suis encore plus con que ton Desthexe…
-C’est juste ce qu’il nous faut !