Poche-Profonde, les citoyens et l’oubli.
C’est fou comme la mémoire se perd facilement, quand les faits anciens contredisent la manière de voir les choses du présent.
Enron, par exemple, qui s’en souvient ?
Surtout pas Poche-Profonde (Didier Reynders) qui s’évertue dans son ministère intérimaire des finances à combler les vœux des créanciers d’une Belgique sans le sou, en étudiant une manière de ratisser large (pas du côté des riches, évidemment), des fois qu’Eloi Di Roublardo aurait des projets pour lui dans le futur gouvernement.
Pourtant 2001, ce n’est pas si loin. Faut-il rappeler que Poche-Profonde est ministre des finances depuis 1999 ? Au mois de décembre 2001, l’escroquerie Enron est révélée au monde, coût 50 milliards de dollars, 22.000 salariés à la porte et privés de retraite (ils avaient un compte pension chez Enron !).
Effet dominos, éclatement de la bulle Internet, chute des Bourses et destruction de 4 milliards de valeur boursière, la Belgique suit l’affaire dans l’apeurement général, mais aucune mesure sérieuse n’est prise. Poche-Profonde appuie les rencontres des ministres sous des formes diverses (le G8). Rien ne sortira de ces réunions. Alain Minc écrit un livre sur les bienfaits de la mondialisation. Nous sommes émerveillés du babillage optimiste de nos économistes vedettes. Ils sont toujours « dans le poste aujourd’hui » dirait mon grand-père. Ils sont radieux.
Qui se souvient encore de l’escroc de génie, le PDG d’Enron, qui revendait à Enron plusieurs millions de dollars les sociétés bidons qu’il créait comme de boire un whisky ?
Depuis, on a écrit dix fois plus d’articles sur le chômeur qui n’en est pas un et qui touche des indemnités ou de l’invalide qui se traîne dans un fauteuil quand il va à l’administration et qui bande comme un cerf en ayant fait dix enfants à sa femme, entre les week-ends au cours desquels il est DJ dans une discothèque.
La mémoire sélective, c’est chacun comme il le sent, sauf ceux qui font commerce d’en faire part aux autres et qui ont la manière forte de le faire sentir.
Le scandale Enron avait pourtant mis en évidence toutes les turpitudes d’un système qu’un financier intègre aurait pu prévoir. En effet, certains l’avaient prévu, le Français Maurice Allais (prix Nobel), le Belge Paul Jorion, etc.
Nous leur avons préféré des illusionnistes.
La firme d’Audit Andersen était payée par Enron pour l’aider à escamoter son endettement dans des paradis fiscaux. Les contrôles de l’Etat n’avaient rien donné et les analystes des banques n’y avaient vu que du feu !
Poche-Profonde et ses amis du système pourraient s’écrier que le capitalisme n’a pas toujours la gueule d’un Ken Lay ou d’un Madoff. Il y a bien quelque part d’authentiques honnêtes gens que répugnerait le geste de puiser dans la sébile d’un aveugle.
Voire. Puisque sept années plus tard, alors que toutes les recettes des hommes d’affaires avaient été percées à jour, sans que ces délits aient vraiment été exploités par les médias, faut-il le dire, et devant l’apathie du troupeau des « honnêtes gens » la crise des bulles de l’immobilier éclatait en décembre 2008, comme si rien n’avait existé avant.
Mémoire encore, où étais-tu ?
En 2011, les règles comptables n’ont pas changé. Il est toujours aussi facile de manipuler les livres de compte, de falsifier des factures, d’arranger les bilans, de trouver de nouvelles astuces pour des bulles financières imprévues, de placer de l’argent dans les paradis fiscaux, etc.
Elinor Ostrom, la première femme de l'histoire à être récompensée par le prix Nobel d'économie, nous a pourtant prévenus il y a plus d’un an de ce qui se trame dans les coulisses des banques et dans les Bourses. Peine perdue. On tombe à genoux devant Guy Quaden et on retient son souffle en écoutant Etienne de Calataÿ ( Chief economist à la Banque Degroof et maître de conférences invité à l'UCL (FOPES) et aux Facultés de Namur (Faseg), vous m’en direz tant...
Enron ancêtre des turbulences des subprimes, on avait là un cas de figure qui aurait dû être étudié dans les écoles de l’Administration, comme aux FASEG, plutôt que dans les écoles du crime, où apparemment, on apprend plus vite et mieux qu’ailleurs à se faire du fric. Cela aurait évité de déposséder des centaines de milliers de propriétaires de leurs biens, en 2009.
Au lieu de cela, on s’affaire à épurer des dettes que les Etats ont faites en notre nom et il n’est pas de plus petites rapines légales qui ne vaillent d’être tentées. Jusqu’à rapporter la moindre virgule des propos de cet enfoiré de Karel De Gucht, concernant les paraplégiques malades de la peste tricheuse «…feraient mieux de pointer à l’usine », plutôt que mendier du pain à la collectivité.
Défaut de mémoire encore de nos chers adulés des médias et du personnel tout entier dévoué à la sainte cause des millionnaires, ces asociaux du fric à qui on pourrait demander un petit effort, tout en sachant que le mot solidarité est vomi de la bouche de ces vampires.
La mémoire se reprend soudain au récit d’une femme du peuple qui défend les riches, au point qu’un brillant journaliste décide d’en faire un article sur le thème « Il n’y a pas que des voyous dans le peuple ». Ce n’est pas honteux d’être riche, la preuve, même les pauvres en conviennent.
Aussitôt après, la mémoire retombe dans les complications de l’aphasie de Broca.
Rien n’a été fait pour éviter les activités maffieuses d’un capital placé dans des mains de spéculateurs cyniques. Au contraire, il semblerait qu’à la suite des rodomontades de Sarkozy, Poche-Profonde ne nous pousse au bord d’un trou noir libéral d’abus et de dérives.
Vivement une bonne histoire comme celle du curé débarqué d’Afrique depuis que nous manquons de vocations, marié un peu partout et touchant des indemnités dans deux ou trois CPAS différents, sans compter son traitement de fonctionnaire du culte !
Celle-là, date de l’année dernière, mais tout le monde s’en souvient.
Et l’Europe, dans ce micmac ? Son président s’adonne à la poésie japonaise. Il y a des coups de pied dans le haïku qui se perdent.