Fric et froc.
Ceux qui prétendent que les gens ne s’intéressent plus à la politique sont en train de se tromper.
France 2 vient de récolter le plus fort taux d’écoute de la soirée de jeudi avec 20 % de téléspectateurs (± 5 M.), loin devant TF 1 (Masterchef, une téléréalité) ; son programme : la première confrontation des six candidats aux primaires socialistes d’octobre.
Ceux qui sont restés jusqu’au bout de l’émission ont quelques mérites. Les propos étaient parfois arides, parfois convenus, les sujets abordés difficiles. Ils se sont fait une opinion sur les candidats, au cas où une majorité de Français confierait les rênes de l’Etat à une des personnalités concurrentes.
Satisfaction donc, à l’étude des chiffres d’écoute. Le citoyen, qui d’habitude est traité comme quantité négligeable en-dehors des périodes électorales par les gens en place, pourrait très bien voter pour l’opposition, afin de marquer son désaccord, plutôt que bouder les urnes (En France, le vote n’est pas obligatoire).
Ce qui déplaît à l’électeur, c’est le « couru d’avance », la gestion du pays d’après les normes de l’économie mondiale, le sentiment de l’inutilité de son avis, la conviction qu’il n’y a plus ni gauche, ni droite, depuis qu’ils ont tous enlevé leur froc devant le fric.
Les gens souhaitent avoir leur mot à dire. Il leur faut des éléments pour qu’ils puissent faire des choix. Il ne s’agit plus de promettre la lune, ni d’interpeller les gens sur de la fiction, juste pour se faire réélire, puis la chose faite, calquer la politique généralement uniforme des démocraties sous tutelle capitaliste, en prétextant que c’est la seule politique possible.
Elire le premier personnage de l’Etat pour cinq ans ne se limite pas à régler l’affaire en deux tours de vote, puis de se faire exclure du débat.
La Belgique politique devrait bien s’inspirer de ce qui précède afin d’associer davantage l’électeur aux décisions importantes.
Nous venons de vivre un ratage complet : un an et trois mois de pétaudières et de discussions, afin de laisser des décideurs - souvent couper de toute sensibilité populaire - se départager entre eux.
Ils viennent d’aboutir à un premier résultat avec BHV, dont les pourparlers et les marchandages ne nous ont pas été communiqués et sur lesquels nous ne savons rien. Il en faudra d’autres pour former un gouvernement. Si le procédé est le même, voilà bien un étrange mépris des citoyens !
Que savent-ils de ce que pensent les gens, puisque les négociations sont secrètes, que les enjeux ne sont pas abordés franchement, que les débats sont faussés, que nous n’en avons que des caricatures à la télé, et que ce sont toujours les mêmes qui – on ne sait de quel droit – ont des avis sur tout, au nom le plus souvent de leur bureau de parti qui oublie de prendre l’avis des adhérents !
Le spectacle des signataires accostés par les journalistes sur le trottoir de leur lieu de réunion ne peut en aucune manière être considéré comme une information préludant à un débat démocratique.
C’est indiscutable, la presse et les représentants des partis politiques ont présenté l’accord BHV comme une merveille de bénignité pour les francophones et de satisfaction émue pour les Flamands ; dès lors, le chien galeux ne pouvait être que celui qui dirait le contraire, à savoir Olivier Maingain, l’empêcheur de se congratuler en rond.
Qu’en savons-nous vraiment ?
Pourquoi le formateur n’est-il pas venu devant le public pour expliquer et défendre son projet ?
Il y a quelque chose de louche dans ces accords loin des yeux du public. Comment ferait-on confiance à des politiciens qui réclament des compensations importantes, le crient pendant un an et finissent par signer un document qui ne mentionne nulle part les exigences qu’ils nous ont habitués d’entendre, et sur lesquelles ils nous ont juré qu’ils ne transigeraient pas !
La seule chance pour qu’il y ait encore dans quelques années un Etat belgo-flamand, c’est de cesser les coups-fourrés entre initiés et de faire comprendre à Eloois Di Roublardo et aux autres, ce qu’est la démocratie, en faisant participer les citoyens aux actes importants.
Pour ceux qui se rappellent l’affaire des Fourons, il y a de quoi méditer.