S’il n’y avait plus de mensonges
…on n’aurait plus rien à se dire.
Sans trop parodier je ne sais plus quel homme public : la Belgique compte onze millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement. Et ces derniers sont nombreux.
C’est une erreur de ne pas faire état dans les médias des sujets de mécontentements qui faute d’être discutés deviennent l’objet de bruits et de calomnies, jusqu’à devenir des machines à falsifier et à travestir. Les médias ne sont-ils que les propagateurs d’une fiction du quotidien, pourvu qu’elle soit tributaire d’une opinion politique moyenne et d’une bonne orthodoxie capitaliste ?
Parce que, comme Rockefeller pour qui, dans ses vieux jours, on imprimait à son seul usage un journal des bonnes nouvelles, une grande partie du public ne peut supporter qu’il y en ait de mauvaises trop souvent. Justement, cela s’accorde bien à la politique. Un électeur euphorique est plus qu’un autre indulgent. Son opinion exclut souvent les extrêmes. C’est un client pour la majorité. La presse en fait ses choux gras.
La falsification a une conséquence qui devrait être prise en compte dans les inconvénients du choix. Puisque tout baigne, quand les nouvelles sont en discordance avec ce qu’il voit et ce qu’il sent, le consommateur finit par se rebiffer et ne plus rien croire.
Présentée comme une manifestation sympathique des jeunes, disparue des infos parce qu’un événement répété plusieurs jours finit par lasser, les « Indignados », de la Puerta del Sol à Madrid, essaiment et reviennent en force sous la forme d’une occupation du pont de Brooklyn à New-York et campent devant la Bourse de Wall Street, après être passés par Paris et Bruxelles.
C’est le drame des journaux télévisés de ne pouvoir informer dans la durée d’un événement comme celui-là, de sorte que le public imagine des événements isolés et sans rapport entre eux.
Ainsi, l’impression générale que les choses vont mal n’est reçue que par bribes pour être diffusée dans un temps indéterminé, si bien que la plupart des gens ne relient pas les événements entre eux. Ils perdent ainsi beaucoup de leur portée réelle et de leur signification.
A savoir que les USA vivent aussi mal la crise qu’en Espagne et qu’on ferait bien de se méfier des réactions de la middle class américaine qui s’effondre, laissant à nu la réalité de 46,2 millions d’Américains vivant désormais sous le seuil de pauvreté (4 personnes par ménage avec un revenu global de 16.000 euros par an).
De même, on a perdu le sens de la critique du fait-divers local, qui peut être un fait de société absolument éclairant et parfois déterminant. Des émeutes ont éclaté à l’Institut des Filles de Marie ces mercredi et jeudi, lit-on dans le Soir. « Suite à un vol d’argent, une fouille d’élèves chapeautée par la sous-directrice, « homosexuelle », a mis le feu aux poudres. Broyée, Eliane a démissionné. » La seule réalité est que cette enseignante est bien homosexuelle, comme c’est son droit. Quant aux événements déclencheurs, ils ne sont ni avérés, ni recoupés.
Plus les autorités se lancent dans l’égalité des sexes, le mariage homosexuel, le combat contre l’antisémitisme et le racisme, moins ils le font avec l’assentiment d’une majorité de citoyens. La population dans sa partie la plus populaire persiste dans son indifférence hostile aux nouveautés du code. Elle navigue hors contrôle des pouvoirs publics dans une plus grande rigueur de mœurs qu’on ne croit.
Dans le cas des Indignés, c’est toute la réalité économique qui est escamotée ; et dans celui du fait-divers, c’est toute l’hypocrisie du discours officiel qui masque la dure réalité du métier d’enseignant, dans une société qui n’évolue pas à la vitesse de la libération des mœurs vue par le Code.
Pourquoi dans l’un comme dans l’autre cas ne pas jouer franc jeu ?
Du point de vue de l’économie d’abord, croit-on qu’il vaut mieux faire croire que tout va bien à quelqu’un, par la situation de son environnement et par ses propres difficultés d’existence, qui sait que tout va mal ou moins bien qu’on ne le dit ?
Les responsables craignent-ils tellement un « grand soir » qui mettrait leurs fesses à mal et les verrait retourner dans le rang ?
Dans le cadre de l’enseignement à la jeunesse, comment tolérer les réflexions de Madame Simonet et ses décisions qui plombent davantage le peu d’autorité qui reste à l’enseignant ? Quelles sont les façons de remettre à sa place un enseignant, dans ses fonctions, son salaire, le respect à sa personne et à sa vie privé, sans définir ce que ceux qui apprennent lui doivent, et pas seulement les jeunes, les parents aussi ?
En vérité, on croit le peuple à jamais immature, alors qu’il est bien plus intelligent que ceux-là dont la profession est de l’être, à tout le moins, de le paraître.
On pourrait ainsi faire une revue non rédhibitoire de tout ce qu’on nous assène comme vérités qui n’en sont pas, ou qui mériteraient au moins qu’on en discute.
Il paraît que le scepticisme est mauvais et que seuls ceux qui ont la foi seront sauvés.
Oui, mais qui croire ?