Le G1000, un gadget ?
Le G1000 n’est pas un nouveau rasoir pour peau extra sensible, mais une initiative citoyenne. David Van Reybrouck, écrivain flamand, a eu l’idée d’un débat original, qui rappelle en langage publicitaire le récent G20 de Cannes.
Si une majorité de citoyens partage une conviction, c’est bien celle d’une démocratie en panne. L’initiative du G1000 force la sympathie. Un pays sans gouvernement comme le nôtre peut devenir une cause aggravante de la dislocation sociale observée en Europe. Quel est l’avis des citoyens ? On pourrait le lui demander. C’est ce que le G1000 compte faire.
Comment le G1000 est-il organisé ? Et pour débattre de quoi ?
Van Reybrouck, issu des milieux universitaires, évolue dans le cadre d’une initiative de l’action catholique. Ce n’est pas une tare, mais c’est un indicateur d’un milieu qui se veut ouvert, sans doute hostile à toute censure et dénué d’intentions secrètes.
La première question traite de l’organisation. Il est intéressant de connaître les origines des promoteurs nourris de la pensée chrétienne, qu’ils diffusent, sciemment ou inconsciemment, faisant la différence entre le juste et l’injuste, choisissant des voies modérées. Ce qui a priori les conduit à exclure l’extrême et l’extravagant.
Cela ressemble furieusement au « Réarmement moral » des années septante, rassemblant les cadres de la FEB, les milieux chrétiens des Associations, ainsi que les partisans d’une réforme douce du système économique. Ce nouveau projet sera-t-il comme son prédécesseur en rupture des philosophies de rejets : Fourrier, Marx, Engels, Bakounine, Weber, Sartre, Derrida, Onfray, etc. et tentant d’intégrer des milieux ouvriers et employés, sans y être jamais vraiment parvenu ?
Un échantillon représentatif de 1000 citoyens bute sur la question « comment rassembler autant de personnes ? ».
La manière de recruter coince déjà. « Elle a été réalisée par un bureau de sondage indépendant » peut-on lire sur les avis de lancement. J’ai consulté une vingtaine de sites- sources. Aucune n’a donné l’information, cependant capitale, du nom du bureau d’études statistiques chargé de « vendre » le produit en l’occurrence les noms des1000 personnes réunies ce 11 novembre.
Ou je suis passé à côté de l’info, ou c’est fâcheux.
Ce n’est donc pas à l’aveugle, comme Van Reybrouck l’a prétendu un moment, que l’adjudicataire a travaillé sur le projet.
Abandonnons la copie de mille adresses sur le bottin, vu le nombre d’illettrés et d’immatures en Belgique, le débat pouvait tourner à la farce. C’est bel et bien un bureau d’études qui a dosé l’échantillonnage en fonction des langues, des régions, des professions et sans doute des sexes et des âges, comme des capacités intellectuelles.
Voilà qui aurait pu animer le premier débat. Personne, si l’on excepte les initiés, n’a été au courant de la méthode du bureau d’études statistiques.
Concrètement dans la salle, pour gérer autant de monde et laisser un juste temps de parole à tous, il a fallu découper l’assemblée en table ronde. Première discrimination, la table centrale a seule le pouvoir d’annoncer les sujets, de les commenter, pour ensuite en débattre aux autres tables, sous la houlette d’un « facilitateur ». « Le facilitateur mesure le temps de parole de chacun. Il rassemble les suggestions de la tablée dans un document qui va au bureau central. ». Le Facilitateur a donc un rôle extrêmement important. Cela peut vite se transformer en tribunal. Le facilitateur juge, estime, recense et fourni le rapport qu’il rédige et transmet à la table centrale. La dilution entre tous du pouvoir de décision, qui devrait être la règle, est impossible.
Le plus beau vient après : « À ce bureau central, des experts siègent équipés d’ordinateurs, pour réunir ces suggestions, les traiter et en formuler des propositions concrètes. »
On aura compris. Ce que Van Reybrouck appelle « une bonne vue d’ensemble de ce qui anime réellement les participants et de la nature des priorités qui leur sont communes » n’est que le résumé des experts sur les rapports des facilitateurs.
Quant aux « experts », s’ils sont ceux que l’université-croupion et les banques idoines procurent aux infos habituelles, autant s’adresser directement à MM. des conférences « Lorraine », on aura gagné du temps ; car, là aussi, Van Reybrouck ne nous dévoile pas les noms des descendants directs de Pic de la Mirandole et d’Attali réunis, qui trieront le bon grain de l’ivraie.
Ce G1000 va probablement faire plus de frustrés que de satisfaits.
Enfin, pour répondre à la question « Pour débattre de quoi ? », je serai bref, la première interrogation éclairant la seconde : des conneries habituelles, pardi ! Celles qui font croire à juste titre que la démocratie, sera encore pour un bon bout de temps, pour la Belgique et l’Europe, une fiction de plus en plus lointaine.
Encore un mot qui en dit long. Comme on interviewait Van Reybrouck sur le référendum grec, en soulignant qu’une consultation populaire sur un sujet déterminé était assez démocratique, L’universitaire flamand répondit « Le référendum n’est pas la solution miracle non plus, car en Grèce on voulait demander ‘Etes-vous d’accord pour être plus pauvre?’ Et vous devriez dire ‘OUI’. »
Peut-être est-il le confident de Papandréou ? Parce que personne ne connaît la question qui aurait été posée, et surtout pas d’une manière, à la limite insultante. On aurait pu la poser autrement « Etes-vous d’accord, pour respecter les accords avec l’Europe, que l’on fixe le plafond des rémunérations, société civile et Etat à 5.000 €, les pensions et revenus du capital à 3.000 € maximum, par mois ? ».
Van Reybrouck a sans doute un bon fond. Mais, il devra encore attendre que la crise de la démocratie soit plus avancée pour trouver une formule qui n’ait pas l’allure d’un piège à cons.