Un pari risqué.
La tentation de la droite « classique » de s’allier avec l’« extrême » droite, représentée en France par Marine Le Pen et en Belgique par Bart De Wever, n’est pas morte, d’un côté comme de l’autre de la frontière.
Si l’élection du président de la République voyait François Hollande remplacer Sarkozy, l’UMP sous le coup d’une défaite, pendant que la France se cherche, pourrait envisager un rapprochement avec le Front National, qui pour lors passerait plus fréquentable avec la fille, qu’avec le père.
Un article de Médiapart soulève le lièvre : « Le souverainiste Paul-Marie Coûteaux, soutien de Marine Le Pen pour 2012, affirme à Mediapart rencontrer « régulièrement » Guillaume Peltier, le « monsieur opinion » de l'UMP, futur secrétaire national en charge des sondages, proche d'Hortefeux et Buisson, pour « travailler à la recomposition de la droite » après la « défaite probable » de Nicolas Sarkozy. Selon lui, l'ancien bras droit de De Villiers ne serait pas « allergique à Marine Le Pen ».
C’est plus compliqué en Belgique. Une alliance CD&V et N-VA a existé sous l’impulsion d’Yves Leterme, dont c’était la première gaffe. L’association s’est rompue bien tardivement et bien après que le petit poisson soit devenu grand. L’alliance est donc moins imaginaire qu’en France avec le Front, puisqu’elle eut lieu en Belgique. Pourtant, la N-VA avait déjà le séparatisme inscrit dans ses statuts, ce qui ne gênait pas le CD&V.
La seule donnée supplémentaire tient dans l’effet malencontreux qu’a été la connaissance généralisée à tout le pays de la volonté d’en terminer avec la Belgique. Cela s’est produit de façon insistante dans des informations diffusées pendant 541 jours au bout desquelles, les médias francophones surtout, n’avaient pas de mots assez durs pour qualifier l’attitude de De Wever. Même si, certains des responsables de son parti, aux émissions politiques des télévisions flamandes, avaient quelque peu arrondi les angles.
C’est en ralliant la possibilité de former un gouvernement « de la dernière chance » sans la N-VA et avec les socialistes, que le CD&V a coupé les ponts avec De Wever, au grand soulagement des fédéralistes.
Di Rupo a deux ans pour convaincre les Flamands de ne plus voter massivement pour la N-VA. Il a contre lui la conjoncture de crise très nettement en faveur des mécontents et des séparatistes. Il est lui-même controversé à l’intérieur d’un parti socialiste fortement perturbé par une base qui ne voit toujours pas l’intérêt des masses populaires à faire le jeu des libéraux, sous prétexte de sauver la monarchie. On a trop vite évacué le poids du parti de Maingain dans la partie de l’accord qui concerne Bruxelles et sa périphérie. Le FDF est à l’affût de la vexation de trop !...
La FGTB a, par ailleurs, senti le vent et s’est jusqu’à présent opposée à la démarche du bureau du PS. Ce dernier est loin de représenter l’ensemble des socialistes, même si la direction se presse derrière le chef.
Quand les mesures d’austérité seront d’application, Di Rupo perdra un maximum de crédit auprès des chômeurs et des pensionnés et de ceux qui se trouvent en général précarisés par le système.
On peut estimer qu’il n’aura pas le temps de renverser la vapeur. Deux ans c’est trop court pour faire oublier l’amertume de la pilule et le remède de cheval, qu’il va administrer dans le premier semestre de 2012.
Si les élections de 2014, loin d’affaiblir la N-VA, renforçaient ce parti, il deviendrait impossible aux autres partis flamands de ne pas l’inclure dans les propositions de formation du gouvernement qui s’en suivrait.
Il resterait au CD&V l’illusion d’infléchir la volonté de la N-VA quant au processus de séparation avec les Wallons ou, tout au moins, d’en éloigner l’échéance à tellement long terme que ce serait à la génération suivante de trancher définitivement.
A moins d’une aberration électorale, le PS ne tirera aucun bénéfice d’avoir résolu la crise gouvernementale. Il faudra que le parti justifie sa présence autrement que par des « si nous n’avions pas été là, on vous aurait saignés d’avantage », pour se disculper de la dégringolade sociale du plus clair de la population.
Comme il ne le pourra pas, on assistera à une remontée libérale en Wallonie, ce qui pourrait avoir pour effet de tenter les libéraux wallon d’aller à un gouvernement avec la N-VA déjà raccommodée avec le CD&V.
On voit ainsi que les élections de 2014 sont loin de permettre la poursuite de l’alliance actuelle. La fanfaronnade de Di Rupo qui se voyait premier ministre jusqu’en 2018 a pour mérite de montrer combien ce pari est hasardeux, bien dans la psychologie du personnage, si peu humble.
Comme la France, la Belgique va devoir s’accoutumer à la persistance de courants nationalistes de droite, pour des effets inverses, si l’on considère que la France se replierait sur elle-même, tandis que la Belgique éclaterait inévitablement.