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Le citoyen-machine.

La machine rend à l’homme des services dont il serait stupide de nier l’évidence. Son revers, c’est qu’elle appauvrit les fonctions intellectuelles de ceux qui la servent dans la presque totalité des cas. L’ouvrier chargé de son fonctionnement n’est souvent qu’un complément push-button de la mécanique. Il fait ce que la machine ne peut pas faire, mais qu’elle fera peut-être un jour. Et voilà l’homme-machine en sursis ! L’ouvrier spécialisé l’est donc à titre précaire. Il sait bien qu’il devra plus d’une fois changer de machine, voire se retrouver sans machine et donc sans travail.
L’augmentation considérable de la population donne au commanditaire de la machine un pouvoir étendu. On encage les oiseaux pour les faire chanter, on encage les hommes pour les faire produire.
Vouloir rapatrier la multitude d’emplois perdus, c’est lutter contre le chômage, mais c’est aussi renouer dans les entreprises avec l’homme-machine.
Une production répétée et en continu n’est pas de la même nature que l’utilisation d’un appareil de mesure électronique, ce qui ne suppose pas une production d’objet, mais relève d’un métier à caractère scientifique.
La société productiviste dans laquelle nous sommes est la première de toute l’histoire de l’humanité à élever en règle de production une mécanisation des comportements humains.
Le travailleur qui n’est plus maître de son temps, l’est encore moins de ses gestes.
De ce point de vue, la pénibilité accrue n’est pas prise en compte dans la hiérarchisation des salaires.
Gloser et être bien vêtu, est infiniment mieux payés et infiniment moins pénibles et dangereux, que travailler en usine.
Les inégalités qui me font détester le système productiviste commence là. Je pense sérieusement qu’un homme-machine devrait être mieux payé qu’un Reynders ou qu’un Di Rupo. Il n’est pas prouvé que sa fonction soit moins utile. Elle constitue un facteur de danger bien plus grand, une usure physique incomparable, avec des conséquences bien plus lourdes qu’aucun travailleur de la parole, pour un avenir et une retraite d’une grande médiocrité à comparer avec celles des faiseurs d’embarras satisfaits d’eux-mêmes, ce qui ne justifient en rien l’estime que leur portent nos yeux éblouis !
Il n’est pas dit que les emplois puissent être interchangeables. Il y a gros à parier que n’importe qui avec un peu de jugeote puisse exercer le métier de premier ministre. Il est vraisemblable que Di Rupo ne tienne pas une semaine dans un atelier d’Arcelor-Mittal.
Il faut être dans une société du faux-semblant comme la nôtre pour dénigrer ou admirer des citoyens rien que par les métiers qu’ils exercent ou les diplômes qu’ils ont acquis.
La foire, c’est le statut social, classement déterminé qui concède tout aux uns et rien aux autres, sans qu’aucune qualité humaine et de savoir soit indispensable.
Un diplôme s’acquiert au prix d’années d’effort ou sur un marché aux puces pour moins que rien. C’est le prétexte qui compte et pas la preuve.
Rien ne nous permet aujourd’hui de quantifier l’intelligence d’après l’expérience et/ou les études faites.
A vrai dire, mais c’est un autre débat, il y a diverses formes d’intelligence. On peut dire qu’il y a des imbéciles instruits et des intelligences cachées sous des immaturités supposées et des incultures décrétées par des incultes dont la seule autorité est le statut dont ils se parent.
Le système traduit des relents esclavagistes insupportables relayés par des concepts pseudo moraux scandaleux et inappropriés. Quant à considérer les corvées ainsi produites comme un travail pour lequel on réclame de l’enthousiasme, c’est se moquer du sens des mots.
Nous avons absorbé l’idéologie américaine par tous les pores de notre peau, au point que l’Europe avec ses productions à l’anglo-saxonne en est gavée et les citoyens, malades.
Vouloir réguler le comportement humain à huit heures de production, selon des critères établis en général par ceux qui ne sont pas astreints à des productions intensives, relève d’un délire anglo-saxon, selon une tradition protestante de l’amour du travail, aussi stupide que n’importe quelle autre base ayant « fondé » le capitalisme.
Les comportements humains ne peuvent s’expliquer de façon mécanique. L’intelligence ne peut être brevetée par l’école. Elle n’attribue que des statuts, soit une sorte de référencement par classification. Cette dernière estime qu’une spécialisation est de loin préférable à la formation de citoyens humanistes. Un cardiologue n’est pas nécessairement un homme de cœur, ni un bon cardiologue… La sottise n’est pas nécessairement tout azimut. L’imbécile a des rémissions.
Des sciences béhavioristes ont instauré une discipline tendant à étudier l’homme dans sa partie mécanique afin d’en tirer profit. Ce n’est possible qu’au prix d’une réduction de l’homme à la simple animalité et les ingénieurs béhavioristes à celle de voyous.

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Fort malencontreusement, le système économique a déteint sur le système politique. Ce n’est pas le citoyen qui donne des directives à son mandataire, mais l’inverse. Il est laissé dans un état qui ne lui permet pas de prendre la place qui lui revient dans ce qui n’est plus, dès lors, une démocratie effective. Non pas que son intelligence soit en défaut, mais parce qu’elle n’est pas nécessaire dans le système, au contraire, elle est même inutile.
On ne lui demande pas de penser. On lui demande d’obéir.
La démocratie a inventé le citoyen-machine !

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