Liège s’expositionne.
A Liège on est pour les Expositions, pas les Universelles, non, les minis, dites Internationales.
On a les cabanes, les saucisses, la bière, les exposants, reste à mettre un peu de stuc, des paillettes, de démolir quelques maisons, d’arranger l’espace, de trouver quelques idées nouvelles de nos ingénieux au chômage, quelques pots de géranium, et hop… consécration de l’étranger. On est si accueillant ! Si porte ouverte ! Tout le monde le dit. Alors…
On a encore en mémoire la grande exposition internationale de l’eau de 1939, qui devait être un triomphe de la technique utilisant l’eau et qui fut surtout celle de la technique de la Wehrmacht utilisant la poudre. Il fallut fermer la chose deux mois avant son terme.
Comme depuis, on n’a pas trouvé une occupation intelligente des deux rives de la Meuse, du pont Atlas jusqu’à Wandre, 78 ans plus tard, faisant preuve d’une belle continuité, le site proposé pour 2017 est à peu près le même que celui de 39.
L’Ami Fritz attendri de notre déconvenue permit en novembre 1941 à l’imprimeur liégeois Georges Thône, de publier le rapport du Commissariat du gouvernement de l’Expo 1939.
C’est intéressant parce qu’on y trouve tout ce qu’on va nous balancer comme discours, si par hasard nous sommes choisis au lieu d’Astana, cité ardente, elle aussi, du Kazakhstan.
Il n’y aura qu’une variante, celle qui concernait l’Allemagne de l’Adolphe pour laquelle nos grands orateurs de 39, repris par Georges Thône, ne tarirent pas d’éloges, à tel point que les lecteurs du temps eurent droit à la liste complète des personnalités du Reich qui eurent l’honneur d’accompagner l’illustre Dr E. W. Maiwald, herr director.
Aujourd’hui, on est tous devenus européens. C’est mieux et moins dangereux. L’Allemagne est notre grande alliée. C’est l’Iran qui inquiète. Heureusement, ce pays n’est pas voisin.
L’esprit de l’expo internationale, pour le reste, n’a pas changé d’un poil. C’est la continuité. La bourgeoisie des Loges et des partis est toujours tête de gondole : le Grand Liège, le rotary, le maïorat, l’Emulation, le rectorat et Cie. De la belle force vive, patriote et rafraîchie par les fils et les petits fils des barbus de 39, devenus imberbes, mais avec les mêmes cravates, les mêmes combines, les mêmes diplômes et les mêmes manières.
La maladie à Liège, c’est de voir grand… et de ne jamais finir ce qui avait été prévu, si bien qu’on part grand et qu’on finit toujours étriqué ! Question pognon, on ne pense jamais à l’inflation, aux pourboires, aux dessous de table.
La gare de Calatrava est un bel exemple. Est-ce qu’on imagine l’effet d’un étranger débarquant du train, sortant de cette cathédrale ferroviaire, découvrant un terrain vague jusqu’au triste catafalque de douze étages des contributions à trois cents mètres de la vitrine des chemins de fer ?
Je sais, on va démolir la chose et nous flanquer à la place une tour qui sera le seul building qatari de Liège. Mais pour quand ? La vue d’un chantier de démolition est encore moins engageant que cette horreur architecturale.
Or, le projet de Calatrava ne s’arrêtait pas à la gare. Il y avait cette percée d’un canal jusqu’à la Meuse qui aurait fait de la sortie de la gare, un petit jardin de Versailles vu de la galerie des glaces.
Il faut craindre pareille chose pour Coronmeuse. Droixhe est dans un état lamentable et penser qu’on pourrait construire une passerelle reliant le lieu de l’exposition à la gare-musée des bus que l’on projette de construire à l’emplacement de l’ancienne gare de Bressoux, supposerait de faire appel à Christo pour emballer Droixhe.
Connecter le Monde pour rapprocher les Hommes" – "Connecting the World, Linking People", voilà le thème ouvre-boîte qui permet à nos divagants de divaguer à l’aise.
Ces messieurs de la parole aisée feraient bien d’essayer de se rapprocher des populations, avant ce « connecting the World ».
Le démarcheur pour Liège expo est le fils du jazzman Jean-Marie Peterkenne, Jean-Christophe, l’affaire est donc solidement * * * socialisante.
On a déjà fait les comptes. Le beau pognon que les visiteurs vont sortir compensera celui qu’on va avancer. Imprudente comptabilité qui crie au bénéfice avant de vendre un ticket.
C’est un risque. En 39, on a perdu des plumes. Des exposants ont fait faillite. A Droixhe, qui s’appelait alors le « champ de manœuvres » des manèges forains Expo 39 y rouillèrent quelques années, jusqu’à ce que la Luftwaffe y installe une batterie de DCA.
Quand on n’est pas capable d’assainir des quartiers comme Sainte-Marguerite et Saint-Léonard, quand on trimballe de lieu en lieu, quelques centaines de commerçants qui font et qui défont les galeries, laissant celles qu’ils désertent à l’état de dépotoir, quand on commence des chantiers de restauration comme les Bains de la Sauvenière, à la limite de ce qu’on peut sauver, et qu’on laisse le terrain jouxtant l’ancien Journal La Meuse à l’état de parking à ciel ouvert, quand on n’a pas encore trouvé la solution architecturale entre la place Saint-Lambert et la Place du Marché, après quarante ans d’études, on fait grandement attention de ne pas ajouter le ridicule au laisser-aller et à la désinvolture.
En attendant le grandiose, on lorgne le mois d’octobre, pour la décision couperet. Et si ce n’était pas nous les plus beaux ?
Astana au Kazakhstan est une ville superbe ! Les gens y sont moins cabochards. Le pétrole y coule à flot. Est-ce le vent des déserts, il y fait propre. Seule ombre, le muezzin l’après-midi empêche les gens de dormir !
Commentaires
Tout à Fait d'accord. Comme d'Hab'..
Postée le: John Renard | mars 29, 2012 09:06 AM