Allez, vieux, bonnes vacances…
Les amateurs de vérité vont avoir une semaine difficile ! Celle du pot pour le départ en vacances...
– Et surtout profite… pense pas à la rentrée…
Je ne dis pas, certains sont sincères. Il ne faut pas rire des sentiments, les vrais, ceux qui viennent du fond du cœur. Toutes les familles ne sont pas éclatées, les conflits extravagants sont réservés à la télévision, pour surprendre les foules. Nous avons tous des parents et des amis sincères. Ceux qui n’en ont pas, je les plains.
Mais les autres ?
Vous imaginez le chef du personnel qui a la liste des licenciés de la rentrée et qui distribue des sourires à tout le monde ? La gueule qu’il fait au pot de l’amitié ? Surtout s’il entend le dernier entré qui fait des projets d’achat de maison, alors qu’il est de la fournée !
Il ne va pas pousser le cynisme jusqu’à dire : - Le dernier entré, le premier sorti ! Il y a des formules qui ne passent pas les grands bureaux. Seule la direction plaisante sur ces choses là.
Vous me direz, les galonnés sont sans état d’âme. Faut ce qu’il faut, pour être là… Certes ! Je parle de ceux qui ont un reste de cœur et qui croient encore aux mots…
-Tu vas où ?…
-Comme chaque année à Vallon-Pont-D’arc !...
L’autre, emmerdé, dit « Ah ! bon », parce que lui a loué à Aubenas… C’est pas trop loin, pourvu que je ne tombe pas dessus à la descente de l’Ardèche en canoë !
-Bon séjour, hein, vieux ! Beaucoup de bonnes choses pour toi (il va finir par me gâcher mes vacances si j’y pense trop) et surtout tu nous reviens en forme (pourvu que je ne perde pas le mien, d’emploi !), sans oublier la santé, hein, surtout la santé (il paraît que sa femme a un cancer), de toute manière la fin de l’année ne saurait pas être pire que le début (son fils se drogue et sa fille redouble à Marie-Thérèse. Ah ! il est pas gâté ! Et dire que c’est moi qui vais lui apprendre la nouvelle !).
Evidemment, on peut se consoler en pensant qu’il y a pire.
Exemple, les champions du baisemain, du grandissime amour pour « tous mes chers concitoyens », rien n’égale les politiciens le cul dans le beurre et qui viennent vous assurer de leur dévouement, alors qu’ils réalisent les accords de Roublardo avec la droite. Ça n’est pas si individuellement dégueulasse qu’un licenciement, c’est un drôle de métier quand même.
Ce serait mieux si l’usine fermait carrément. Une mesure collective ! Tout le monde serait dans la merde, on se défend mieux quand c’est fini même pour le délégué syndical. Un peu comme l’autre soir, Laurette Onkelinx, tout sourire, juchée sur ses talonnettes pour atteindre le micro de RTL, alors qu’on lui demandait un commentaire sur les menaces des syndicats au projet de réduire les allocations de chômage, on l’a entendue dire « …les mesures prises sont difficiles, mais équilibrées. Si nous ne les avions pas prises, ce serait bien pire l’année prochaine ». Si on fermait toute la Belgique, ce serait plus sympa pour les chômeurs. On pourrait faire la révolution tous ensemble, non ?
On ne peut pas dire à un type que l’on renvoie « ce serait pire l’année prochaine ». Justement, c’est pire tout de suite.
Dans l’état faisandé du parti socialiste, oui, évidemment, on peut admettre le raisonnement.
-Camarades, ce n’est pas facile, il vaut mieux en mettre dix à pied, plutôt que cent.
Pour sûr, les nonante autres sont parfaitement d’accord.
L’attitude des politiques est pire que celle du chef de bureau. Ils vendent leur salade presque en rigolant, pour ne pas perdre la face, certes, mais en rigolant quand même. Tandis que le chef de bureau, fait la gueule et se dit désolé. On peut penser qu’il se dit désolé, alors que c’est lui qui a désigné les types qui basculent au chômage. Quand bien même, c’est un sale boulot, mais c’est son boulot. Pour lui aussi, c’est ça ou la porte. Tout le monde est coincé dans ce système à la con. Tous gardent des traces. Même ceux qui en réchappent. Ils peuvent se dire : - la prochaine fournée, c’est pour ma gueule !
Où se rejoignent politique et cadre débaucheur, c’est dans le discours « Efforts répartis sur l’ensemble du personnel, lutte contre la crise, sollicitude envers les plus démunis, mais espoir pour demain ».
- Putain ! il ne manquerait plus que demain, ce soit sans espoir aussi.
Comme le curé avec ses ouailles, le Belge a besoin d’espérance. On patiente ainsi d’une élection à l’autre. On reste gentil. On espère…
Ils nous diront les galimatias la main sur le cœur dans lesquels on entendra une ou deux fois « en toute humilité », comme l’autre à San Valentino.
-Allez, vieux, bonnes vacances.
-Merci, monsieur le chef du personnel…