Le temps des encurologues.
A force d’avoir clamé partout que les diplômes assuraient un avenir professionnel pour qui avait usé ses fonds de culotte sur les bancs des universités, beaucoup de jeunes gens qui l’ont cru, après s’être emmerdés à penser comme les profs pour avoir droit à leur diplôme, se sont astreints pour ne pas être chômeurs, à accepter des emplois sous leur qualification.
Aussi, pour ne pas trop décevoir une jeune intelligentsia, et comme le goût populaire sombrait dans la paranoïa de la défense tout azimut du citoyen « honnête », une flopée de marioles se sont dit : - Faire expert dans un métier basé sur la montée de la violence, vraie ou supposée, c’est le job du futur !
Ils ont gambergé et fabriqué les experts adaptés, dans le but « louable » de faire servir à quelque chose, les diplômes supérieurs. Ils ont donc créé des experts, des contre-experts, des psychologues, des endormologues, des psythérapeutes des grandes douleurs, des victimologues pour grands crimes et d’autres encore attachés aux criminels en série et aux psychopathes pullulant dans les centres villes. Ils ont fourni à la société un filon d’emplois que les Foremologues ont saisi au passage. Et ce n’est pas fini. En encurologie on s’essaie d’abord sur les mouches, avant de voir plus grand !
Ainsi, d’un accident au jeu stupide du foulard, jusqu’au mitraillage des foules par des intégristes siphonnés d’Allah, au signal des pompiers, une noria de spécialistes manucurent les esprits, redressent les corps déprimés, rabibochent les âmes, calfeutrent les désarrois à coups d’injections de savoir, de bonne conscience et d’amour du prochain, envahissent les écoles et guettent, au bord des piscines le faux pas d’un élève pour apprendre à toute une classe à nager dans les larmes.
C’est nouveau. Ça vient de sortir et ça ne mange pas de pain, si ce n’est que ça coûte, mais c’est souvent l’Etat qui paie (c’est-dire nous, mais ça ne se sent pas comme la TVA).
Les séries américaines nous ont apporté outre ce qui précède avec l’amour de l’expertise : la tente à oxygène et la couverture en métal doré. Et, de quoi a-t-on besoin pour faire des expertises ? Mais, des experts, pardi !
A présent, comme il y a matière à examens par les milliers de traces laissées par les caméras de surveillance, il est logique que tout soit suivi par les experts les plus divers, en collaboration avec les médecins.
Les experts passent avant les psy, pour relever les traces, humer les cadavres, ganter de blanc, parfois en salopette, genre soldat finlandais tenant tête à l’affreuse armée rouge, ils vont et viennent précédés des rayons ultraviolets de leur lampe « spéciale Theater of Crimes ».
On en a vu de bizarres, hyper casqués et giletés pare-balles perçantes pendant l'affaire Mohamed Merah, d’autres encore, en battle-dress bleu « Police » sur la piste du «dépeceur de Montréal», à Toulouse, à Bruxelles, à Liège, sans oublier TF1. Ils attendent un coup de fil, une prise d’otage, un accident de mobylette qui tourne à l’émeute. Plus rapide qu’une balle de 37 magnum, ils fendent l’air de leur sirène et semblent sortir à 17 d’un Touareg VW V6 Bluemotion à gyrophares. A peine la victime à terre baignant dans une marre de sang, ils courent l’arme au point, comme on en a vu, dans les quartiers à Liège, pour l’affaire Nordine Amrani.
Les coordonnateurs du nouveau délire sont des criminologues.
Ces experts d’experts ont presque toujours quelque chose à dire sur la personnalité et les motivations du tueur. Ils les connaissent, comme s’ils étaient leur voisin de palier.
A la télé, ils jouent les profilers. On les invite aux actus, comme dans les séries américaines. Ils reconstituent le profil psychologique d'un criminel qui ressemble tellement à n’importe qui, qu’on n’ose plus sortir la nuit dans les rues !
On a déjà des vedettes, quoiqu’à la RTBF et à RTL, on privilégie encore des psychiatres agrégés au Centre universitaire de médecine.
Le public aime des choses du genre «Le suspect se rapproche plus du pervers sexuel de type sadique, qui aime faire souffrir, éventuellement jusqu'à la mort.»
Ça permet à certains de se dire moins salauds que ces salauds…
Et puis, ce petit frisson bien à l’abri derrière une porte fermée, devant une télévision qui gagne des parts de marché à chaque nouvelle horreur, ça donne l’espoir, qu’une fois au lit, on pourra développer ses propres instincts sadiques qui passeront pour des caresses.
La criminologie, une discipline bidon? Le débat n'est pas tranché. A côté des diplômes cités, c’est la seule discipline dans laquelle un camelot de la Batte peut se reconvertir.
Pas pour longtemps encore, sans doute. Tous les psys qui ont tant bossé pour être au-dessus du lot, voient d’un mauvais œil ce dernier collaborateur de la police n’être pas réglementé, filtré, c’est-à-dire finalement complètement aseptisé et vidé de toute originalité.
Vite une chaire spécialisée, trois années de cours supérieurs et voilà pour l’université une corde de plus à son arc.
Depuis que le boson de Higgs existe par expérience scientifique, et que l’univers n’a plus de secret, découvrir celui de l’âme humaine, mettrait l’expert sur un pied d’égalité avec dieu, à supposé qu’il y en ait un ou dix ?