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S'économiser à défaut d'économiser.

Dans les grandes entreprises développant le taylorisme, les conditions de travail appauvrissent la démocratie.
On ne peut pas se croire citoyen d’une société démocratique et être, en même temps, réduit à une réglementation stricte qui nie les qualités de savoir faire et d’initiative et touche à la dignité de l’être humain.
Produire sous contrôle, coordonne peut-être de manière efficace l’effort collectif, mais, en conditionnant le travailleur à une forme moderne d’esclavagisme aussi vieux que le monde.
Dans la dernière partie du siècle dernier, on a vu la manière insidieuse avec laquelle les industriels ont réduit le producteur à n’être que le complément d’une machine ou le pion d’une chaîne de montage, par la promesse que la productivité procurerait de meilleurs salaires.
La prospérité partie, les salaires ont stagné, voire ont régressé, mais la productivité accrue reste.
Le concept de gagner plus en produisant plus a disparu. Certains pontes du MR remettent en cause l’indexation des salaires. Les bénéfices ont été convertis en plus-values pour l’actionnaire. La diminution des prix des produits ont servi d’arguments pour se prémunir de la concurrence des pays émergents.
Les consommateurs ne bénéficient guère de cette concurrence. Le bonus toutefois dégagé se perd dans les méandres intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs, quand ils ne sont pas absorbés par de nouvelles taxes dues à la volonté de réduire l’endettement des Etats.
Pendant ce temps les managers gonflent leur portefeuille et leurs salaires s’envolent.
L’appauvrissement des valeurs de la démocratie tient à cette dépréciation de l’humain par contraste avec l’appréciation accrue de la frange des bénéficiaires, c’est-à-dire, les riches.
La façon de diminuer les asymétries face aux règles existe. Elle consiste à donner au plus grand nombre les moyens d'interpréter le taylorisme, entre autres, et de contourner les conclusions du behaviorisme en interprétant différemment les mouvements convenus de manière volontaire, afin de troubler les calculs des ingénieurs de production.
Le bras de fer entre les producteurs et les propriétaires s’est terminé en faveur des derniers.
Le travail rapporte moins que le jeu du capital placé !
Les tire-au-flanc sont aujourd’hui ceux qui, dans les entreprises, sont les plus aptes à faire valoir la démocratie par la rébellion « sournoise » qu’ils opposent à la montée des normes et à la déshumanisation.
Sans que cela se sache, les industriels redoutent le plus cette rébellion passive en étudiant sérieusement avec des scientifiques, jusqu’où ils peuvent aller en matière d’asservissement au travail, sans provoquer des suicides ou des grèves.

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Le récent suicide d’un cadre chez Magotteaux lié aux conditions de travail et la réaction immédiate des travailleurs, montrent bien les limites de ce qu’il est possible d’exiger pour une production maximale, à défaut de quoi, un dépassement de ces conditions peut coûter plus cher à l’entreprise, que ce que la productivité accrue rapporte.
L’étude des milieux de production a montré que personne ne pouvait agir en suivant scrupuleusement les règles établies sur des critères d’évaluation chronométrés à de trop brefs moments, pour que les temps pratiqués soient « équitables ».
Souvent, on ne tient pas compte de la longueur d’une journée de travail et à la fatigue qui monte.
Même dans l’application d’un taylorisme moins absolutiste, les sociologues de bonne foi (ce qu’ils ne sont pas tous, hélas !) ont pu démontrer que les ouvriers ne suivaient pas ponctuellement les consignes des bureaux d'études, qu’ils se concertaient entre eux et qu'ils soumettaient les normes des bureaux d’étude à des modifications.
Sans le savoir, ils défendaient ainsi avec leur dignité d’hommes, les valeurs de la démocratie que les employeurs n’ont jamais défendues.
Il n'existe pas d'être humain qui ne soit capable de réflexivité et d'interprétation. C’est une erreur de croire que l’intelligence et la sensibilité ne sont accessibles qu’à partir d'un certain niveau d’études et que le peuple n’est pas capable d’organiser la société.
Les temps actuels nous donnent même la preuve du contraire. Le recul des libertés, l’endettement massif des Etats, le basculement de la volonté politique dans la volonté économique, l’invention du double langage ou le langage codé à l’intention des initiés, la mainmise de certaines professions libérales sur les pouvoirs démocratiques et l’action publique, ne sont-ils pas les signes d’une dégénérescence inquiétante des dirigeants qui se gargarisent d’une intelligence supérieure, alors que c’est un terrible constat d’échec qui découle de leur action ?
La critique aujourd’hui est fondamentale à la restauration de la démocratie.
Il faut repeupler ces "lieux vides", comme dirait le philosophe Claude Lefort.

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