Les poussent-aux-crimes
S’il y a bien une chose qu’il ne faut pas faire, c’est demander l’avis des familles qui ont perdu un des leurs, victimes de criminels, sur l’application des peines.
Quand le criminel a été condamné dans une affaire qui a sensibilisé l’opinion et que cette opinion a été alertée par les parents des victimes soutenus par les médias, franchement, la sérénité qui devrait normalement prévaloir en Justice se trouve bien mise à mal.
Dans la conjoncture actuelle, qu’il faille maintenir Michelle Martin en prison serait une mesure de prudence, plus que de justice.
Mais, on ne pourrait établir une justification de la prolongation de la peine de prison de l’intéressée, par rapport aux autres détenus libérés dans les mêmes conditions, sans faire intervenir la subjectivité et l’émotion du public.
Tout qui a approché, collaboré ou vécu avec Dutroux est marqué à jamais du sceau de l’infamie. Faut-il attendre l’extinction d’une génération pour tourner la page, ce qui équivaudrait à la mort en prison des criminels associés aux forfaits de Dutroux ?
Dans les conditions actuelles, certaines libérations anticipées sont à risques, voire impossibles, il faudrait revoir le code. Mais comment ?
Avec Annemie TURTELBOOM (Open VLD), membre de la Chambre des représentants, ancienne Ministre, Ministre de la Justice, il est à craindre que la politique du gros bâton et du durcissement des peines soient les seules propositions que la ministre proposera à la rentrée.
Cela plaît au public qui ne s’inquiète guère des conséquences que cela impliquera pour tous les citoyens pénalement irréprochables et honnêtes.
Il faut craindre comme la peste la démesure pénale, dite souvent « exemplaire » et qui n’est rien d’autre qu’une mise au trou de gens que l’on n’a pas su, ou pas voulu, éduquer et intégrer.
"Votre sévérité sans produire aucun fruit / Seigneur, jusqu'à présent a fait beaucoup de bruit.", répond Livie à Auguste dans Cinna de Pierre CORNEILLE. Ce dernier était pour un régime fort. Savons-nous bien ce que c’est ? D’autre part, les « beaucoup de bruit » actuels, s’ils ne produisent aucun fruit, risque bien d’entacher le parcours d’Annemie Turtelboom.
Si nous nous engageons dans le tout carcéral et les peines-planchers, nous nous éloignons de la personnalisation des peines, rendant inutile le jury populaire et, dans une certaine mesure, le juge lui-même.
En allongeant les peines, nous allons aussi vers un accroissement considérable du nombre des détenus. Sommes-nous prêts d’accueillir une population des prisons dans la proportion de celle des Etats-Unis ?
Quand on sait que nous demandons aux Hollandais d’héberger des détenus que nous ne savons mettre nulle part, cela paraît fort déraisonnable.
Chaque fois qu’un événement criminel sera médiatisé, il faudra s’attendre à une nouvelle loi pénale votée, en urgence sur la pression de l’opinion, donc sans véritable débat parlementaire, avec pour seul souci l'affichage de peines de prison toujours plus élevées. Est-ce bien cela que Jean-Denis Lejeune et les autres victimes de criminels veulent ?
Sinon, que l’opinion le dise tout de suite, c’est la peau de Michelle Martin qu’on veut, sa viande bien saignante sur la Grand-Place de Bruxelles, pour que chacun puisse venir lui cracher à la figure et lui jeter une pierre.
On a peur d’une récidive de cette quinqua qui a déjà passé un tiers de sa vie prison !
Allons, il ne faut pas cauchemarder là-dessus. Elle est définitivement « out », vouée à une existence discrète de cloporte.
Sait-on que la prison, unique moyen de lutte contre la récidive, est, selon des études faites partout, le moyen parfait pour pousser à la récidive ! Au contraire, l'aménagement des peines et les peines exécutées en milieu libre réduisent la récidive.
La prolifération incessante des "armes" pénales sans diminution réelle de la délinquance, voilà qui devrait poser le débat sur des réflexions plus utile que les cris de « A mort la pute à Dutroux ». Les journaux ont trop tendance à publier ce genre de discours, sans ajouter aux cris, des commentaires utiles et des réflexions intelligentes.