Deborsu, archiviste défaillant.
Ce n’est pas Deborsu qui a créé la presse people. Il a seulement tenté de décoincer le lecteur belge du dernier respect qui faisait de la résistance autour de la famille royale.
Désormais, on sait qu’en haut lieu ça baise ou ça rate un bon coup, qu’ils en font un tous les matins et qu’ils pètent discrètement aux longues cérémonies officielles, que les vieux s’endorment au Te Deum et que les jarretières, quand la reine s’assied sur un prie-Dieu, peuvent coincer les poils du con dans le métal et que ça peut faire mal.
Mais, ne le savait-on pas déjà ?
Notez, puisqu’on navigue dans la boule de cristal : Deborsu n’avait pas en tête de dénoncer le scandale qu’un prince est un homme comme un autre. Ça, Deborsu s’en fout.
Il était tout simplement obnubilé par le rôle d’écrivain que tout journaliste croit être.
Pour cela, il était prêt à tout.
Résultat, non seulement il ne sera jamais écrivain, mais en plus Philippot le condamne aux archives de la RTBF, ce qui n’est pas rien dans la sanction pour quelqu’un qui à défaut d’écrire comme Flaubert, espère au moins étonner les « cherszauditeurs », en attendant une retraite bien méritée.
Dans une presse spécialisée en petits riens, il avait pourtant de l’avenir.
Mais diable, s’attacher aux amours d’un prince fût-il accessoirement gay, c’était titiller le bourgeois dans ses derniers respects.
Que ne s’est-il chargé de nous livrer en scoop les ultimes soupirs orgasmiques de Justin Bieber et Selena Gomez ! Il suffisait seulement de précéder d’une nuit, l’info d’Associated Press. Comme Deborsu sait tout, il aurait prévenu ces dames que Bieber n’en a pas une si grosse que ça et qu’il risque de décevoir aussi après Gomez, toutes les énamourées de Hollywood.
Pour un peu, Deborsu eût trahi la conscience professionnelle une seconde fois. La précédente se passait dans les buissons de Laeken où il s’est tapi des nuits entières pour surprendre Mathilde en string arrosant ses roses dans les serres entourées de ses jardiniers préférés. Samedi encore, il aurait pu se hisser sur un escabeau pour regarder par l’imposte de la salle de bain, l’après mariage médiatisé de Jean-Denis Lejeune et d’Alao Kasongo.
Elle en blanc, symbole de la virginité et grosse de six mois et lui, le gentil, le père malheureux, régularisant une situation qui allait devenir gênante dans son rôle de parent exemplaire.
Comme Deborsu n’est pas l’ogre sans entrailles qu’on croit, son bon cœur aurait fait un détour par la mère de la petite Julie, complètement abandonnée dans son double malheur par l’opinion publique, celle d’avoir perdu mille fois sa fille par la médiatisation sans limite et par son mari, devenu redresseur de la cause africaine et volage par la même occasion.
Là Deborsu aurait pu comptabiliser quelques haines supplémentaires, façon de se présenter en indépendant immoraliste fustigeant l’immoralisme.
Et c’est Philippot qui a brisé tout cela par une affectation stupide, ne lui pardonnant pas le crachat au blason, la haine de la particule et aussi ce dédain latino de l’hétéro pour les supposées hautes naissances tortillant du cul façon jaquette de notaire.
Grâce à Philippot, peut-être Deborsu brillera-t-il un jour dans un ouvrage de quatre cents pages traitant de l’épouvantable disparition de la laïcité, trucidée des mains mêmes de ceux qui devaient la défendre : les socialistes ! Pauvres gens perdus dans le racolage des voix maghrébines et capables de se faire pousser la barbe du prophète, en se vêtant de l’abaya.
Deborsu les montrerait arrachant des mains rivales le coran introduit au Parlement par des fidèles d’une autre secte… Les libéraux l’eussent félicité et même le prince lui eût envoyé un mot gentil de la main de la princesse qui se méfie des gaffes de son futur roi de mari.
Enfin, s’aliénant définitivement la jeunesse, il eût consacré dans la collection « Les Pieds Nickelés » un album aux amours de Hergé et de Tchang, la zoophilie avec Milou ayant déjà été exploitée.
Mais non, dans la série de pauvres types qui ont succédé aux Jules Renard, Léon Bloy et autres Alphonse Allais, tous écrivains-journalistes de talent, il est bien le collègue des médias modernes, respectueux de ce qui ne l’est pas, hiérarchisant tout par rapport à l’argent, se gonflant d’importance par l’atavisme d’une scolarité entretenant une confusion entre ce qui est important et ce qui ne l’est pas, et, comme moi-même, attaché à visser au moins une vis à son cercueil, lui si enthousiaste à clouer le couvercle des autres.
Dans le fond, ce qui a manqué à Deborsu, c’est le titre de baron reçu des mains du roi, comme Annie Cordy, Adamo et son collègue feu Luc Varenne.
Baron en 2010, Deborsu se fût bien gardé de traiter le fils de tapette rentrée en 2012.
Antidote parfait à toute déviation gauchisante ou extrême droitière, un titre vous change un bélître en baiseurs de main de duchesse, toutes charmantes, comme suggérait jadis Marcel Proust.
J’en sais quelque chose, foi de roi Richard !