Un syndicat up to date.
Le faux jeton de service - Camarades, faut que j’parle de l’autogestion !
Le chœur des syndicalistes travaillé par le mythe social-démocrate – Non !... Merde… Assez… On est pour la liberté d’entreprendre…
Le faux jeton de service – Désolé, c’est dans l’programm’ de formation. C’est de l’histoire, nom de dieu ! Pour vous faire voir comment on a échappé aux communiss’…
Le chœur – Ah ! oui… bon, si c’est parce qu’on a échappé….
L’employé propagande PS – C’était des envieux qu’ont cru pouvoir remplacer un patron qu’avait foutu le camp avec la caisse !...
Le chœur – C’est malheureux... étaient sûrement pas capab’…
Le faux jeton – On va étudier un cas de figure imaginé par les anciens de la Fondation à André… un cas qu’arrive pratiquement jamais. Ouvrez vot’ liv’ page une !
Un fond de salle posté pour épauler le propagandiste – Et quand ça arrive, les actionnaires et à défaut un repreneur sauvent l’usine par des mesures appropriées, en attendant une meilleure conjoncture, parce qu’on est en social-démocratie !
Un groupe à l’écart – Comment qui cause, c’ui-là !... Est pas de chez nous…
(On entend des pages qui se tournent dans un bruit de tôles qu’on froisse)
Le faux jeton – Nom de dieu, tournez pas les pages, vu qu’c’est la première…
Un naïf – La première ! Elle est blanche.
Le faux jeton – Autant pour moi. C’est la feuille de garde. Donc, c’est l’autre.
Un qui espère faire carrière à un guichet – Vaut mieux un mauvais accord qu’une bonne grève…
Un licencié intérimaire Mittal – Où t’as vu ça, banane ?
Le faux jeton de service – Le propos n’est pas là, camarade. Il est dans ce qu’on sait d’un pouvoir qu’est saisi par les ouvriers, dans un contexte où c’est le patron qu’a toujours raison. C’est pas possib’… camarades, sans économiss’, tout le monde le dit…
Un ancien – Voilà qui parle comme l’aut… merde, feu Robert Gillon !...
Le chœur – Oui, Bidochon est dans le vrai. On est foutu d’avance, dans le contex…
L’employé propagande PS – Ouais, camarade ! Faut vivre avec son temps. La réalité, c’est qu’on peut rien faire sans les finances et ça vient pas tout seul, faut les étudier. Les gens qui les fréquentent sont là pour dire… faut les mériter.
Le chœur – Comment qu’on fait pour les mériter ? Mais quoi, on les mérite bien déjà…
Un maugréant - On voit pas d’index à l’horizon, on bosse une heure en plus et on gagne moins, taxe, inflation, prix d’une place au Standard…
Le faux jeton : Merde !... vous vous rendez pas compte, comment qu’on vit bien avec trois fois rien, camarades !... aujou’d’hui…
Un licencié intérimaire Genk – Comment tu le sais, toi qui vis avec trois fois plus !
L’employé propagande PS – Voilà, le piège, qu’est-ce que ça peut foutre si mon voisin, plus malin, plus adapté, est mieux récompensé ? Tu veux quoi, l’enflure, palper le fric d’Elio en sortant les poubelles de chez Merdausol ? Alors, magne-toi le cul à faire autre chose avant d’ouvrir ta gueule…
Le chœur – Tu vas trop loin, t’as pas le droit d’insulter un camarade qui fait l’effort de lire ton livr’…
Le faux jeton de service – Le camarade a voulu dire que celui qui veut s’élever le peut toujours… Notre société est celle du mérite.
Le chœur soudain inquiet – On croit pas ça. T’as des gens qu’on fait des études et qui sont dans la merde…
L’employé propagande PS – Nous on est là pour dire qu’il y a de l’espoir qu’on va s’en sortir la tête haute et qu’après la crise on ira en délégation remercier Elio…
Un chômeur de longue durée – Ouais, le mec y sera pensionné, alors, et il se foutra de nos gueules…
Le faux jeton de service – J’avais déjà prévenu Bodson de plus faire des cours de propagande. Ça tourne en couille depuis qu’on est en crise.
L’employé de propagande PS – On ferait mieux de faire des conférences-débats.
Un arsouille qui tient plus en place – On met les cons au premier rang qui posent les questions bêtes que celui qu’est sur l’estrade réfute en deux mots…
Le chœur – D’où qui vient, celui-là ?
L’employé PS – C’est un infiltré à Raoul Hedebouw, sortez-le…
Le chœur – Oui, sortons-le, il fout not’ moral par terre… nous qu’on a déjà si difficile à croire ce qu’on nous dit, si le mec vient dire le contraire !...
Un paumé qu’est là, vu qu’on chauffe bien place Saint-Paul – Si on était moins cons, on pourrait quand même revenir à l’autogestion, voir si plutôt qu’entendre les pourris qui racontent des craques, on pourrait pas faire mieux ensemble, même si ça va pas être la joie au départ…
L’employé à la propagande PS – Encore un infiltré ! Bodson va m’entendre : faut interdire l’entrée à ceux qu’ont pas payé leur cotisation. Après place Sainte-Véronique, ça va saigner dans les guichets !... Bordel de merde, on n’est plus quand même au temps de la Fondation où les branques à Maryse faisaient chier Lambion. Giet va vous tailler un costard… Le premier qui l’ouvre encore et qu’est négatif, on l’exclut !...
Le chœur retourné – On était mieux accueilli du temps de Yerna, même si on l’avait déjà profond… Alors qu’est-ce qu’on fait ?
Le faux jeton de service – Chacun pisse chez soi et on attend les instructions.
Un secrétaire qu’est descendu dare-dare du bel étage au bruit, comme on marche au canon – Camarades, la séance est levée. La semaine prochaine on parle de Babeuf… non, de Proud’hon, merde, j’sais plus…