Exploration et démission.
Quel est l’événement le plus important, la démission du pape ou le rover Curiosity qui fore des petits trous sur Mars ?
Voilà bien deux artefacts dans l’actualité qui semblent fort différents et même qui n’ont pas de rapport entre eux.
Apparemment.
Le premier est dans l’ordre des choses, une génération chasse l’autre. Celle de Benoît XVI n’aura pas laissé de grands souvenirs : la guerre, la chute d’Adolphe et des adolphins. Le pape en sait quelque chose puisqu’il a été enrôlé de force dans la Volkssturm en 45, après être passé par les jeunesses hitlériennes, embrigadé obligatoire – c’est toujours lui qui le prétend, comme tous les bons bourgeois bien rassis et obéissants de ces temps anciens. Le dictateur s’en est allé, consumé grâce au dernier bidon d’essence de l’abri « spécial » de la chancellerie. Les nazis se sont tous reconvertis en sociaux démocrates dans la nouvelle république de Bonn. Ce n’était pas celle de Weimar, mais celle de Conrad Adenauer, de la réconciliation et de l’Europe. Les cathos, pas trop décimés depuis l’Anschluss, mais résignés à subir la loi du « fou », ont passé le cap périlleux avec le futur Benoît XVI, entré dans les ordres, après tout ce désordre.
Le second entre dans la grande curiosité des hommes qui, au fond d’eux-mêmes – enfin pour ceux qui ont deux sous de réflexion – ne coupent pas aux contes merveilleux que des générations et des générations avant la leur se sont racontées : Dieu est un vieux barbu qui ne nous aime, que si nous nous comportons bien. Les hommes ne se sont pas contentés de cette lapidaire légende, ils l’ont illustrée comme s’ils avaient de leurs yeux vus les mirages et les hallucinations, qu’ils ont baptisés de miracles. Les hommes se sont mal comportés, mais ils ont fait comme… avec l’encouragement des prêtres et leur absolution.
Enfin, le rover Curiosity est arrivé sur Mars début août 2012. Il s’attelle ces temps derniers à l’analyse de la roche martienne. Avec, en arrière pensée, l’espoir de découvrir des traces de vie ancienne sur la planète rouge. C’est-à-dire fournir des preuves que les fariboles de nos religieux sont fausses.
Elles l’étaient déjà au temps de Galilée, mais officiellement, il n’était pas bon de le dire.
Des deux événements, il va sans dire que le dernier est le plus important.
Cependant les trois-quarts de l’humanité seront persuadés du contraire.
Il y a peut-être une corrélation entre les religions et la folie ordinaire des hommes. Les prêtres ne sont-ils pas des artistes au même titre que celui ou ceux – on l’ignore – sous le nom d’Homère - a ou ont écrit - l’Iliade et l’Odyssée ?
L’Ancien Testament est une histoire fantastique et les prêtres qui l’ont enrichie et commentée au cours des siècles, sont des écrivains dans tous les sens du terme.
Les fous et les artistes ont souvent été mélangés. De l’écrivain Raspe (Les aventures de Münchhausen) à Antonin Artaud et Camille Claudel, les troubles psychiques et le maelstrom de la création vont de pair. Une étude vient de le vérifier. Il existe des liens bien réels entre les deux. Adjoignons-y les fanatiques religieux, les artistes de la foi et les thuriféraires des lois divines.
Et voilà où la démission de Benoît XVI et les champs scientifiques se rejoignent, ils font partie de la catégorie des artistes fous, des visionnaires et des poètes.
Car, envoyer un robot de 900 kilos sur Mars est aussi fou que de s’habiller avec des rideaux, de chanter faux mais en latin et de donner sa démission d’un travail à 86 ans, alors qu’on se bat dans la société pour ne pas revenir aux 65.
Nous avons sans doute besoin de l’une et l’autre folie.
Cela assure notre équilibre et nous dispense de penser trop souvent que l’aventure humaine est brève et que sa fin survient quand on s’y attend le moins.