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Une société à feu et à sang !

Il y a une évolution certaine dans les actes d’immolation de ceux qui font le sacrifice de leur vie pour attirer l’attention de l’opinion publique.
En août 1968, pour protester contre l'invasion de la Tchécoslovaquie par l'URSS, l'étudiant en philosophie Jan Palach s'immole sur la place Wenceslas à Prague. Il mourra trois jours plus tard.
Le geste fatal prenait son sens dans l’altruisme et le souci des autres, sur fond de patriotisme. Ce genre de sacrifice, mourir pour sa patrie, on le retrouve dans presque tous les épisodes sanglants de l’histoire. Un poète a même ajouté « c’est le sort le plus beau ».
En attendant, le sort le plus beau a pris un drôle de virage. Et Aragon a tort de prétendre que le poète a toujours raison.
En 2011, le sacrifice prend une tournure plus intimiste, dans la mesure où le suicide sur la place publique est un signe de protestation contre une injustice à titre personnel. C’est le cas de Mohamed Bouazizi, vendeur ambulant. Son geste sera à l'origine des émeutes qui concourent au déclenchement de la révolution tunisienne, et par extension aux protestations et révolutions dans d'autres pays arabes. Mais, à l’inverse de Jan Palach, Bouazizi ne pensait pas à se suicider pour la patrie. L’autorité publique l’avait simplement poussé à bout.
En 2013, l’immolation d’un chômeur à proximité du Pôle Emploi de Nantes, puis d’un deuxième à Saint-Ouen, sont des actes désespérés devant l’absurdité d’un système qui conduit à la misère une portion de plus en plus grande de la population. C’est l’aboutissement logique de celui de Bouazizi.
C’est une protestation par un extrême sacrifice, contre la gestion d’un pays nanti d’une économie richissime et qui ne sait faire autrement, que de réduire une partie de ses citoyens à la pauvreté et au désespoir.
C’est un message qui s’adresse directement à ceux qui préconisent une sortie de crise par des économies drastiques sur le chômage, laissant entendre par des propos que je qualifierai de criminels, que le chômeur sera aiguillé par le besoin et sera forcé de chercher du travail, sous-entendu que même là où il n’y en a pas, les allocations seront graduellement réduites. C’est ainsi que pensent MM. Reynders et Michel, avec d’autres qui ne sont pas nécessairement des libéraux.
Il existe un mal-être particulier des chômeurs qui n’est pas pris en compte par les autorités et qui a ses origines dans la contradiction d’une société individualisée par la promotion d’une économie ultralibérale, et la situation actuelle qui exigerait une solidarité plus forte de toutes ses composantes. Les salaires énormes de certains patrons, les millions dépensés pour des stars du foot, de la télé, du spectacle, etc. et les largesses de la démocratie à l’égard de ses élus, sont à la fois la démonstration des réussites éclatantes personnelles, en même temps qu’une démarche délinquante publique, d’égoïsme et de perversion.
Il est certain que les mesures que Di Rupo a fait adopter au Parlement et qui concernent les chômeurs de longue durée, iront progressivement aggraver la situation des chômeurs en Belgique.
Il ne faut pas se voiler la face. Nous aurons probablement à déplorer des gestes de désespoir de ce type. Peut-être en avons-nous déjà eus, mais de manière moins spectaculaire, sinon interprétées autrement par les journaux.
L’époque est propice à ce désastre absolu qu’est un suicide, parce que l’incompréhension est totale entre ceux qui dirigent et les dirigés, sur la manière de mettre l’économie au service des citoyens au lieu qu’elle soit à la merci des spéculateurs boursiers et des financiers cosmopolites.

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De bonne foi, nos dirigeants ont mis sur pied des agences pour l’emploi le FOREM, l’ONEM et des services parallèles d’aide aux personnes en état de pauvreté, ces derniers étant surtout animés par des bénévoles.
Les différences d’accueil sont saisissantes selon les cas traités par des bénévoles ou des fonctionnaires. Les méthodes du FOREM sont dictées par des lois déshumanisantes et des fonctionnaires tenus à des obligations de rendement de dossiers traités. Si bien que nous avons créé une machine à broyer les gens. Nous avons introduit là où il faudrait plus de temps et plus d’humanité, un système Taylor auquel il ne manque que l’horloge pointeuse. Nous traitons mieux un chien blessé dans un accident de la route, qu’un être humain qui se présente au FOREM.
Traité par ordinateur, bousculé par les horaires, surpris par la pile de dossier à traiter avant le sien, le chômeur déjà accablé par son licenciement se sent tomber dans un trou. Alors, la tentation du bidon d’essence est forte.
Une atmosphère délétère est perceptible dans les différentes agences du FOREM, le demandeur d'emploi est coupable et potentiellement fraudeur. Rien qu’à voir les personnels chargés du contact, les chômeurs sont fixés. Bien qu’il serait malhonnête de généraliser et que beaucoup d’employés font ce qu’ils peuvent ; mais, c’est au détriment de leurs loisirs et parfois en oubliant certaines règles trop rigides, car le fond du système est basé sur une pression constante et des sanctions applicables, toujours nécessaires.
Et cependant, malgré tout, notre système est unique en Europe, puisqu’il n’y a pas de limitation dans le temps, sauf sanction, aux droits à l’allocation de remplacement, même si Di Rupo en a atténué les taux.
Mais, la situation est telle avec les exclusions en masse, que la hantise du bidon d’essence doit tourner dans pas mal de têtes ces temps-ci.
Je propose un dérivatif à ceux qui dans une situation désespérée y pensent : s’ils faisaient de la politique ? Pas à la manière d’Armand De Decker, certes, mais à la manière de ceux qui revendiquent le droit du citoyen de changer le cours actuel des choses.

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