La Chine en pole position.
Depuis que l’Europe des chefs vante le modèle économique chinois, on se dit que notre élite n’est intéressée que par le pognon qu’on tire du travail des gens, sans tenir compte de la manière. Les déclarations succèdent aux déclarations, c’est un concert de louanges qui monte de Reynders à Di Rupo, dans le pays cher à Delphine Boël !
Que cette élite fasse l’impasse sur la morale et le progrès social est d’une évidence éclairante.
Est-ce que l’éthique a jamais eu quelque chose à voir avec le fric qu’on ramasse vite fait, parfois sur des cadavres d’ouvriers qui se jettent par les fenêtres de leur bagne ?
La Chine était le seul pays à se moquer de la récession et se mouvait dans la mondialisation comme un poisson dans l’eau. La classe politique dictatoriale et unique s’en mettait plein les poches et permettait même à certains Chinois d’accéder à la condition hors-catégorie des millionnaires. Cette situation ravissait notre élite libérale et suscitait chez Michet et Reynders un certain prosélytisme, apprécié des socialistes et du Club Lorraine. Pour relever le moral de ses troupes, l’élite a besoin d’avoir des exemples de réussite à sa portée.
Ce ne sera bientôt plus le cas.
Les banques chinoises sont au bord de la faillite. Elles ont tellement encaissé de chèques pourris que si ça continue, il se pourrait bien que le gouvernement lui-même fasse comme en Occident et ravitaille en devises ses propres capitalistes défaillants. Pour un pays encore officiellement communiste, c’est plutôt gratiné.
Le niveau élevé de mauvaises créances détenues par les banques chinoises inquiète les analystes européens, pourtant si unanimement convaincus que la Chine est prête à brandir haut et fort l’étendard du libéralisme le plus exclusif, qui glisserait des mains hésitantes d’un Obama saisi par le doute.
La Banque centrale de Chine (PBOC) accélère sa politique de forte restriction de l'accès au crédit pour les entreprises et les particuliers. Le premier résultat est une sensible diminution de la croissance, si chère aux élites mondiales.
Ce qui n’a pas empêché la Banque centrale d’injecter 40 milliards de yuans (4,88 milliards d'euros) dans plusieurs banques pour soulager leur crise de liquidités. Comme quoi, ces Chinois, qui nous émerveillent, ne sont pas si différents que cela des réflexes du banquier type qui, pour ne pas tout perdre, lâche un peu de son blé. Enfin, quand je dis « son blé » ce serait plutôt le fruit du travail des petites gens. Mais que ce soit l’Europe ou la Chine, les dirigeants n’en ont rien à foutre des petites gens.
Le plus éclairant est encore la terminologie employée des élites « communistes » pour expliquer cette mauvaise passe à leurs compatriotes. On croirait entendre Reynders en 2009 : «Les récentes mesures prises par la PBOC reflètent la détermination du gouvernement à entreprendre des actions énergiques pour contenir les risques financiers… La politique monétaire va demeurer restrictive ».
Mauvais signe, Christine Lagarde du FMI a abaissé le mois dernier de 8% à "environ 7,75%" sa prévision de croissance pour la Chine pour 2013. En 2012, la croissance a chuté à 7,8%, sa plus faible performance depuis 13 ans. Comme le FMI se trompe régulièrement, la chute pourrait s’accélérer, au point qu’elle friserait les 5 %.
Croissance considérable pour l’Europe, ces 5 % sont nettement insuffisants pour la Chine qui verrait plus du quart de sa population, surtout celle des campagnes, ne plus ressentir les effets de la croissance et donc venir grossir le contingent des mécontents des grandes villes. Il est vrai que la dictature empêche de connaître au juste l’opinion chinoise, comme elle empêche les mouvements de mécontentement de masse de s’exprimer à coups de répressions sanglantes et d’exécutions sommaires.
Mais, nos capitalistes ne sont pas des justiciers, nos politiques non plus qui continuent d’aller prospecter les marchés chinois, la main sur le cœur et prêts à jurer que la Chine est une démocratie selon leur cœur.