Fin du jobard ?
C’est de toute évidence plus facilement vérifiable en France qu’en Belgique, les personnels politiques n’ont d’opinion que celle qui leur fait gagner les élections suivantes.
En France, il y a la majorité et l’opposition. Il suffit de lire les déclarations des politiques alors qu’ils étaient dans l’opposition pour s’apercevoir qu’ils ont changé du tout au tout quand ils sont au pouvoir et vice-versa. Jean-François Copé et François Hollande sont des espèces de champions dans ce domaine.
En Belgique, comme tous les partis qui comptent sont toujours d’une façon ou d’une autre au pouvoir, les déclarations de leurs grands hommes sont moins dichotomes. Les Écolos occupent une place particulière, dans l’opposition au Fédéral et dans le gouvernement au Régional, on voit Emily Hoyos et Olivier Deleuze inaugurer un nouveau genre de critique à plans variables selon les interlocuteurs. Il n’y a donc qu’Olivier Maingain qui tombe dans le noir et blanc. Au temps du MR, Olivier Maingain faisait partie de la droite musclée, du libéralisme pur et dur. Dans l’opposition, c’est une sorte de social-démocrate libéral et humaniste.
Tout cela pour constater qu’à l’époque de la communication tout azimut, la conservation de ce qui a été dit sur les antennes et écrit dans les journaux est de longue durée. Il se trouve toujours quelqu’un qui se rappelle une interview, un petit mot lâché ou quelques textes restés obscurs qui, revenus au bon moment, sont autant d’épines pour ceux qui perdent facilement la mémoire.
D’où la langue de bois qui dessert autant qu’elle ne sert l’utilisateur.
Vous ne saurez rien de la bouche d’un Marcourt, même s’il parle pendant un quart d’heure, à la sortie d’une réunion avec Mittal ou à la sortie des bureaux de son ministère.
Moralité, quoiqu’il fasse aujourd’hui, sa réputation est bien assise : c’est un mou que n’importe qui mettra dans sa poche.
Vraie ou fausse, cette information qui se répand atteint la cote de popularité du leader liégeois, déjà assez basse, et n’est pas propice à la confiance des travailleurs qu’il doit défendre, même si les chefs syndicalistes lui tressent des couronnes. Il s’en faut de peu qu’on ne pense, que l’admiration de Demelenne et de Bodson pour Marcourt ne finisse par faire du tort aux deux adorateurs.
Cela signifie plusieurs choses. La première, c’est que les électeurs ont plus de mémoire qu’on suppose et qu’il devient délicat d’avoir une opinion, quand on est amené à en avoir une autre.
La deuxième a trait à la crise économique. Les vedettes des partis sont en passe d’être déboulonnées de leur piédestal, à force de ne voir qu’eux quand il n’y a que de mauvaises nouvelles, ils passent pour les seuls responsables des malheurs.
Enfin, la troisième tient à l’habitude des bureaux de nommer des chefs qui aussitôt au pouvoir font tout pour empêcher les autres d’accéder à l’estrade où ils pérorent et dominent les assemblées. Ainsi, quand ils déçoivent et qu’ils faiblissent dans l’opinion, ce sont les partis qu’ils représentent directement exposés après eux.
Les partis et avec eux les électeurs souffrent depuis longtemps du caporalisme des chefs. C’est à ce point que tout le monde a découvert que Di Rupo ne supporte que des « adjoints » du Borinage, laissant ainsi se créer un grand vide autour de la fédération du PS de Liège. La montée accélérée d’un Marcourt, après le pétard mouillé de Giet à l’intérim du parti, met le doigt sur l’absence de bons debaters à Liège où la volonté d’occulter ceux qui en ont les possibilités intellectuelles est flagrante. Les exceptions à la règle au profit de Magnette et Onkelinx mériteraient qu’on y revienne. Ne pas être de Liège ne leur conférait pas les places privilégiées qu’ils occupent derrière le raïs. Mais, l’un amorti les ruades d’une USC carolo capricieuse et l’autre est une femme et, de mémoire d’homme, jamais on ne vit une présidente à la tête du PS.
Si c’est en vantant les qualités du collectif et la limitation des mandats que Di Rupo et ses adjoints comptent pour s’en sortir, c’est plutôt raté. Et s’ils sont convaincus qu’ils le font, nous retombons dans le cas pendable de celui qui dit blanc dans l’opposition et noir dans la majorité, sauf qu’eux, ils sont toujours au pouvoir, quoi qu’il arrive.