Révolte ou émeute en Turquie ?
A la lumière des événements, le débat sur l’éventuelle entrée de la Turquie à l’Europe ne se pose plus aux vingt-sept.
On a eu chaud.
Je ne comprends toujours pas l’attitude de la gauche européenne qui y était globalement favorable. Depuis les faits actuels, il devrait y avoir une remise en question sérieuse sur une Europe passoire et acceptant tout ce qui est à sa portée. Géographiquement, il n’y a qu’une faible partie de la Turquie en Europe. Et encore, historiquement, c’est un territoire conquis sur la Grèce, comme d’autres parties du territoire, sans remonter à Byzance, pris sur l’Arménie et le Kurdistan.
La Turquie est d’un autre gabarit pour que des Etats à économie libérale s’immiscent dans ses affaires, au nom de leur pseudo démocratie. Pour d’autres pays, on aurait mieux fait d’y regarder à deux fois avant d’intervenir. C’était une idée parfaitement ridicule de Bush junior d’attaquer l’Irak pour en faire une démocratie. Néanmoins, les USA et leurs alliés y sont allés. Saddam Hussein a été pendu et sa dictature a été anéantie, mais l’Irak est implicitement dans une guerre civile entre ses trois composantes, chiite, sunnite et kurde. La démocratie à l’américaine y est regardée comme une bête curieuse.
La Libye s’est débarrassée de Kadhafi en grande partie grâce à l’exclusion aérienne de l’OTAN avec, notamment, la participation de l’aviation belge. Un Conseil de la Révolution a été reconnu, mais il est noyauté par des islamistes, les guerres tribales ont repris, au point qu’on ne sait plus qui représente quoi. Là-dessus Al-Qaïda se sert du pays pour infiltrer l’Algérie, cet autre pays du Maghreb à dictature militaire. Les armes stockées par le tyran se sont envolées dans la nature, mais elles ne sont pas perdues pour tout le monde. Un trafic intense sous le manteau permet d’équiper des milices extrémistes musulmanes, troupes à la fois de gangsters et de fanatiques religieux.
L’Afghanistan, tout le monde s’en retire. Sans l’oser dire, c’est un fiasco, un échec général. Le pouvoir de Hamid Karzai tient parce qu’il est corrompu et que même les Talibans y trouvent leur compte avec l’exploitation du pavot, tolérée sur de grandes étendues.
Dans les autres Etats où ça chauffe, Tunisie, Egypte, Syrie, l’Europe met son grain de sel, soutient certains clans, mais n’intervient pas de fait.
Même la ligne rouge franchie par l’utilisation du gaz sarin du régime de Bachar al-Assad, on s’en tient à l’ouverture d’une ligne de crédit pour armer les rebelles. Oui, mais lesquels ? Si c’est pour armer Al-Qaïda et des partis salafistes, on ne peut pas parler d’une réussite !
On risque de retrouver cet armement dans des attentats contre des Européens.
On est échaudé un peu partout par les révolutions dans les pays du Maghreb et en Afrique saharienne. Dans un premier temps les villes se révoltent contre le tyran, un mouvement insurrectionnel laïc et progressif engage le fer avec le régime, quand le tyran est en fuite, voilà l’armée des croyants qui prend le haut du trottoir et avec l’appui du vote des campagnes arriérées monte un système politique qui n’a rien à voir avec la démocratie, même s’il en a les apparences, et est élu légitimement, pour glisser peu à peu dans les formes d’un régime islamique.
Après ce petit tour d’horizon, la Turquie n’a aucune des conditions des pays cités. C’est une grande nation moderne qui a bâti son territoire en rognant sur celui des autres, donc très nationaliste et pointilleuse en diable sur sa souveraineté.
Peut-être ne s’agit-il que d’une sorte de mai 68 de la jeunesse ?
Avec beaucoup de réformes à son actif et élu démocratiquement, Erdogan paie aujourd’hui pour son attitude jugée arrogante. Il cumule les erreurs et manque de respect à ses compatriotes. Il a l’étoffe d’un tyran, mais cela ne suffit pas – enfin pas encore – pour que la Turquie bascule dans le clan des dictatures.
Ce qui est gênant, c’est le manque d’honnêteté de la presse turque qui ne relate pas les manifestations de rue, les violences policières. Une presse à la botte du pouvoir, c’est un mauvais signe. Il y a déjà là une attitude de soumission de la presse qui est un aveu…
Les militaires sont restés dans leurs casernes. C’est un bon point, même si la police s’en est donnée à cœur joie dans la répression musclée.
Le devoir d’ingérence, comme si nous étions des parangons de vertu, quelle bêtise et quelle honte ! L’ONU entend bien régler le sort des petits pays, mais les grands ? Si Kadhafi avait eu la puissance de feu de l’armée Syrienne, jamais l’OTAN ne s’y serait hasardée.
Alors, forcément, la Turquie !