Al-Qaïda : le retour ?
L’organisation terroriste Al-Qaïda est-elle sortie définitivement du jeu politique ou bien, est-elle derrière l’organisation des Frères Musulmans, en passe de triompher dans ce qu’elle sait faire de mieux : organiser la violence ?
On comprendrait alors la politique européenne qui réclame l’arrêt des affrontements en Egypte, comme le souhaite les Frères Musulmans, étant entendu que cette « paix des braves » verrait le rétablissement de la majorité déchue et la relaxe de Morsi.
En se posant ainsi entre les Frères et l’armée qui a le soutien des laïcs et des musulmans modérés, l’Union Européenne tente de se concilier les bonnes grâces des « Frères modérés » et éviter des attentats en Europe, des « durs », parmi les opposants au coup de force de l’armée.
C’est une posture diplomatique dont personne n’est dupe. En réalité, l’Europe s’est faite à la raison : espérer la victoire des militaires et des laïcs, sans l’oser pouvoir dire.
Cette politique hypocrite pourrait voir l’Europe s’aliéner l’amitié des deux camps en même temps.
Al-Qaïda aspire à un mouvement de masse des Musulmans dans son concept salafiste par le Djihad. Cela ne l’intéressait nullement de voir les Frères Musulmans au pouvoir en Egypte. Heureusement que Morsi est un piètre dirigeant. Sans le savoir, ses outrances ne servent pas sa cause, mais celle d’Al-Qaïda.
En quelques mois de pouvoir, Morsi a fait la preuve que le parti des Frères Musulmans est essentiellement d’opposition. Il est incapable de gérer un grand pays et pire, incapable de pratiquer une politique amenant en douceur le concept d’une république islamique.
Par contre, il sait manipuler les foules et attaquer les édifices publics, afin d’exposer au monde entier la cause qu’il défend, dès qu’il retrouve son idéologie d’opposant systématique.
Mais son problème, c’est que rares sont les musulmans prêts à embrasser une idéologie aussi rigide, extrémiste et ésotérique. Son emprise sur le peuple ne peut se faire que par brèves périodes, par exemple lors d’une grande crise économique ou d’une crise de foi militante d’intellectuels qui subjuguent les campagnes illettrées.
En-dessous de toute cette agitation, Al-Qaida est aux aguets. La peur de prendre parti des Européens la sert. Les milieux terroristes expliquent cela par un jeu de dupes et une lâcheté supplémentaire de l’Europe.
Ces effectifs sont minces. Ils sont pour l’essentiel ce que l’organisation a pu sauver du Mali.
A côté des Frères Musulmans qui contrôlent par une milice armée l’ensemble du Sinaï et qui peut compter sur le Hezbollah de Gaza, ce n’est pas grand-chose.
Mais on a vu parfois des retournements inattendus et des basculements se produire, partout dans cette Afrique musulmane.
Le caractère simpliste des idéologies américaine et européenne de la «guerre contre la terreur» est ce qu’espérait Al-Qaïda. Le mouvement djihadiste a tiré profit de l’intérêt commun entre ses menées extrémistes et celles des Frères musulmans, depuis que Morsi a été mis sur la touche par les militaires. Au début d’une guerre civile, al-Qaida a déjà reconquis une bonne partie de son audience.
Le Printemps arabe avaient pourtant permis d’entrevoir la disparition progressive d’Al-Qaïda. Il a fallu des victoires aux urnes des partis religieux pour le relancer et le réintroduire dans des villes comme Tunis et Le Caire, les dictatures d’Alger et de Rabat ayant une forte opposition dont les extrémistes profitent.
Si les révolutions avaient abouti à une transition démocratique réussie, Al-Qaïda ne s’en serait pas relevé. Il se serait replié sur le Pakistan et l’Afghanistan pour un avenir incertain dans la culture du pavot.
La philosophie anti-islamiste de certains intellectuels égyptien depuis le coup d’Etat met sur le même plan les Frères musulmans et Al-Qaïda, en les renvoyant dos à dos sous la même étiquette de terroristes ! Voilà qui supprime le distinguo entre les deux mouvements et les force presque à une association.
Que l’une rejoigne l’autre dans ses crimes et ses exactions, la situation intérieure de l’Égypte s’aggraverait. Cela aurait au moins le mérite de mettre les Européens et les Américains au pied du mur.