Barre à gauche, quand ?
La préparation des municipales à Paris montre bien la fragilité des alliances à la gauche du PS. Qu’en est-il en Belgique dans le domaine des alliances à la gauche du parti d’Élio Di Rupo ?
On n’en est nulle part. A la différence du parti de Harlem Désir qui n’a jamais été le seul parti situé à gauche, le PS belge l’a presque toujours été, sauf à un moment critique de l’histoire, au sortir de la guerre en 1945, et à l’issue de la Grande Grève de fin 1960 qui voit une poussée de l’extrême gauche dans l’action contre la Loi unique et le Mouvement Populaire Wallon qui a suivi. L’avant-guerre ne pourrait se comparer à aucune des périodes politiques suivantes et ne saurait servir d’élément de comparaison.
C’est donc tout à fait récent d’entendre parler en Belgique d’une autre gauche que le PS, non pas qu’elle n’existait pas auparavant, mais elle était ignorée par les médias et était insignifiante au temps des Trente Glorieuses et même encore plus de dix ans plus tard.
Le PTB reste dans le flou sur la question des alliances, tout en conservant une ligne qui exclurait de passer des accords avec le Ps ; depuis la médiatisation réussie de Raoul Hedebouw, conseiller communal PTB à Liège, un doute est permis.
On ne sait pas s’il opterait pour une position proche de Pierre Laurent, patron du PCF et favorable à des accords au cas par cas ou celle, plus radicale, de Jean-Luc Mélenchon qui exclut tout accord avec la gauche caviar de François Hollande.
La question ne se pose pas encore en Belgique en ces termes. Le Ps a toujours manœuvré pour qu’il n’y ait rien sur sa gauche qui lui fasse de l’ombre. La question ne se posera pas encore lors des prochaines élections. Mais à voir la dérive droitière du PS lorsqu’il est au pouvoir, on peut se demander si la prochaine législature n’accentuerait pas davantage ce penchant du PS pour le centre, s’il entrait à nouveau dans un gouvernement droite-gauche ; ce qui par conséquent pourrait le délester d’une partie des voix des électeurs qui votent PS par défaut, et qui considéreraient que la coupe est pleine.
Les électeurs communistes français sont les enfants du marxisme trahit deux fois, la première par le parti communiste soviétique dans ses déviations staliniennes et par le PS français qui a abandonné l’idéal marxiste en entrant dans le jeu de l’économie capitaliste. Mais, ce sont des électeurs qui n’ont jamais glissé du PS au PC. Le flux migratoire serait plutôt le contraire, les communistes passant au parti socialiste.
Le PTB est dans une position inverse. Il ne pourra réellement grossir que d’un afflux de mécontents de la politique du centre-gauche de Di Rupo. Que le Ps tombe dans l’opposition et que ses leaders durcissent le ton, et voilà les transfuges du PS au PTB qui font le chemin inverse. On connaît la haine profonde que le PS voue à l’extrême gauche. Elle est d’autant plus vive que ses porte-parole ont dans le fond d’eux-mêmes difficiles d’avaler la pilule centriste. L’âme bourgeoise de Di Rupo effraient plus d’un. Il suffirait de peu de choses, l’exclusion du Ps du gouvernement, pour rendre la position de Di Rupo et de ses lieutenants Magnette et Onkelinx, inconfortable.
Une pareille hypothèse rendrait les rapports avec l’extrême gauche plus souple, le PS tentant de se rapprocher de ses anciens électeurs.
Resterait à fonder un Front de Gauche du type Mélenchon avec tous les opposants au PS et cela ce n’est pas gagné d’avance.
On voit ainsi que même si le PTB de Hedebouw avait l’intention de passer des accords avec le PS aux communales, il aurait plus à perdre qu’à gagner. La satisfaction de voir Hedebouw de plus en plus sollicité pour des interviews et prétendre à une sorte de reconnaissance des médias ne pourraient compenser la désillusion des militants qui rêvent sans doute d’autre chose.
Reste donc au PTB à fédérer les autres gauches non alignées sur le PS.
Ça ne fait pas lourd et avec le tout, on ne va pas loin.
Mais, l’électeur est parfois versatile. Sur un fond de placidité qui fait le bonheur du PS en Wallonie, l’électeur peut par un coup de colère passer de tribord à babord et faire basculer le navire.
La gauche radicale en Belgique, toute faible soit-elle, est fragmentée en plusieurs petits partis, qui la fragilisent davantage. Les différences traditionnelles, marxisme, léninisme, trotskiste, maoiste, etc sont devenues nettement moins perceptibles au fil du temps. La gauche radicale reste la seule alternative idéologique aux partis de gauche centristes, PS et Ecolo.
Les partis qu’un fédérateur habile pourrait rassembler pourraient créer la surprise dans des élections futures, vers 2020.
Le Parti communiste (PC) le plus ancien et le plus connu, a connu son apogée au sortir de la guerre et a perdu son audience avec la société de consommation. Le Parti du travail de Belgique (PTB), qui a abandonné beaucoup de sa radicalité maoïste qui effrayait les impétrants, est issu des mouvements étudiants de 1968. Il s’accommode de ce que longtemps il a récusé : la fascination du chef. Ligue communiste révolutionnaire (LCR) est rattachée au trotskisme et membre de la IV Internationale. D’autres tentatives locales apparaissent régulièrement. Le Mouvement de Gauche du député wallon Bernard Wesphael en est un exemple.
Ces partis qui se veulent tous rassembleurs sont très faibles sur le plan électoral. Ils ne dépassent pas 2 ou 3 % des voix lorsqu’on additionne leurs résultats à l’échelle nationale.
Certains pensent que la gauche radicale a besoin d’un chef de file charismatique pour opérer un regroupement de l’extrême gauche.
On a écrit que Mélenchon en était un prototype et qu’il conviendrait d’en dénicher un semblable en Belgique. Les événements récents semblent ne pas le confirmer. L’audience de Mélenchon n’est plus ce qu’elle était, baisse passagère ou déclin définitif ?
Tout reste à faire. Si le ras-le-bol ne se concrétise pas dans la formation d’un grand parti à gauche du PS dans les prochaines années, c’est que la démocratie est encore plus malade qu’on ne pensait.