Un jour noir !
C’est très grave ce qui s’est passé ce mardi 22 octobre dans le Morbihan, en Bretagne.
C’est presque le chant du cygne de la solidarité sacrée des travailleurs contre le patronat exploiteur.
Les faits n’ont pas été suffisamment développés dans les journaux. La Gauche, déforcée par l’abandon du PS des salariés, n’a pas voulu exploiter les faits. On peut dire que de ce côté, c’est un vrai désastre. Harlem Désir est un petit monsieur.
Il me monte la honte aux joues pour eux et pour tous ceux qui n’ont jamais cessé de croire que le tragique de l’association partis politiques – économie capitaliste pouvait encore sauter aux yeux d’une vraie gauche.
Après le 22 octobre, jour noir, je n’en suis plus certain.
Un bref rappel des faits :
« Des salariés des deux abattoirs du groupe Gad, dont un doit être fermé, en sont venus aux mains mardi 22 octobre lorsque des ouvriers du site sacrifié ont tenté de bloquer l'entrée de l'usine de Josselin, dans le Morbihan. ».
Cette situation a été possible par une entente des salariés du site Josselin avec les cadres, comme l’indique un rapport de gendarmerie.
« D'après les forces de l'ordre, environ 400 salariés du site de Josselin sont sortis de l'abattoir en milieu de journée, repoussant manu militari les manifestants venus de Lampaul. Il y a eu une bousculade assez vive et des échanges de coups ».
Les salariés chiens de garde de l’entreprise qui licencient sur un autre site leurs confrères de travail de la même entreprise, c’est de l’inédit.
Et ce n’est pas tout. Ces « jaunes » comme on les appelait dans le temps, en tenue de travail, semblaient monter la garde à l'entrée du bâtiment, à l’instigation des contremaîtres qui avaient encouragé cette sortie musclée. »
Les gendarmes ont fini par s’interposer entre les deux camps, les affrontements menaçaient de reprendre !
La boucle est bouclée ! Enfin, le patronat a réussi ce qu’il a tenté pendant deux siècles vainement : contrarier les luttes syndicales en sorte qu’une partie des travailleurs s’associe aux vigiles et aux gardes pour empêcher la grève de s’étendre à deux entités.
Il y a toujours eu des jaunes, bien certainement. Zola les a décrits dans l’Assommoir et dans Germinal. Ils entraient la tête basse dans des charbonnages protégés par la troupe.
Aujourd’hui, plus besoin de renforts des patrons. Les jaunes font eux-mêmes la police !
Il y a moyen de descendre encore plus bas dans la collaboration infamante.
Ici, les deux usines ne sont pas sur le même zoning. L’ignominie supplémentaire serait de monter une milice ouvrière à l’intérieur même de l’usine qui serait chargée d’éliminer les meneurs d’une grève éventuelle.
Nul doute que les salariés de Josselin sont sur la pente et qu’il ne faudra pas trop les pousser pour dénoncer leurs camarades trop turbulents à l’employeur.
Et en même temps, alors que je me sens furieux et dégoûté, je me dis qu’un pareil comportement doit recéler bien des souffrances aussi. Certains ne doivent pas être bien dans leur peau à l’heure actuelle. La nécessité de travailler pour survivre en se déshonorant est, quand on y cède, la porte ouverte à une sorte de dégoût de soi-même qui est le début d’une vie de malheurs et de honte.
Qu’importe !
C’est un rude coup pour les pauvres qui dorénavant se battent entre eux pour saisir l’écuelle du maître. Près de deux siècles de luttes syndicales pour en arriver là !