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Bis repetita placent…

Comment le régime parlementaire en est-il arrivé à être une machine à profit des élus ?
Il faut remonter à l’histoire de la formation de l’État belge et sa lente évolution, pour comprendre.
Il y a deux glissements, un déflationniste qui concerne les mœurs et la morale, et l’autre, inflationniste, qui a trait aux indemnités et traitement divers. Il y a peut-être eu un moment d’équilibre entre les deux glissements, jusqu’à la honte actuelle d’une démocratie dans laquelle le président de la chambre aligne 700.000 euros de revenus et services annuels, en même temps que l’éthique des élus paraît atteindre le niveau zéro.
Sans passer par l’exemple de l’altruisme d’un Robespierre ou un Saint-Just, la Révolution de 1789 à 93 eut son lot de corrompus et de prévaricateurs. En principe, le Conventionnel ne gagnait rien. On ne le défrayait que lorsqu’il partait aux Armées. Les révolutionnaires se payaient sur la bête. Certains durent répondre de leur tête comme Danton qui avait une haute idée de ses besoins et ne s’en privait pas, et Roland, trop honnête pour conserver la sienne, alors qu’il était scrupuleux envers le nouvel État.
Dans l’ensemble, beaucoup étaient sincères lorsqu’ils affirmaient faire de la politique par obligation envers le peuple et n’avaient pas à en tirer profit.
La démocratie moderne s’appuie formellement sur cette déclaration de principe, alors que dans la réalité, on la compare à une bonne affaire, puisqu’on en tire de bons revenus.
A l’Article 52 de la Loi fondatrice de l’État belge, il y est dit : « Chaque membre de la Chambre des représentants jouit d'une indemnité mensuelle de deux cents florins pendant toute la durée de la session. Ceux qui habitent la ville où se tient la session ne jouissent d'aucune indemnité. »
C’est la seule source sûre de ce que pouvait gagner un parlementaire sous Léopold Ier. On voit tout de suite que ceux qui habitent la ville ne gagnant rien, le système était déjà fortement orienté vers la capacité du bourgeois à régler la politique comme son négoce et à tirer des profits occultes des élections censitaires.
Pour en revenir aux 200 florins, un ouvrier gagnait 2 florins 3 par jour soit 24 jours par mois = 55, 2 F. L’indemnité visible du parlementaire était de 3,6 salaires nets de l’ouvrier.
Les 700.000 euros annuels de Flahaut équivaudraient à… 1.056 salaires de maçon, en version 1850. Avec le double correctif de l’inflation et de l’augmentation salariale, Flahaut André gagne en 2013, 36 fois un salaire moyen de 1600 € net par mois.
La morale de cette histoire découle des chiffres eux-mêmes.

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Les mœurs se sont dégradées. La démocratie est devenue une supercherie et, dans son ensemble, la classe politique a beaucoup aidé à cette dégradation. L’argument de faire du populisme quand on touche à certains sujets équivaut à faire du népotisme quand on évite d’en parler. Le rapport qualité – prix n’est pas à l’avantage du citoyen. Dans son dernier ouvrage « les nouveaux populismes » Dominique Régnié écrit que 50 % du temps de travail d’un parlementaire se passe à sauver son job pour l’élection suivante.
On a pu établir un rapport entre les personnes dites « estimables » et qui font de la politique et le délinquant économique. Il suffit de remplacer le terme de délinquant par estimable.
« Le délinquant économique moyen est issu généralement de la direction de l'entreprise qui subit ses méfaits, ou des services marketing, commerciaux ou financiers.
«La plupart des fraudeurs se cachent à la vue de tous». Dans 61% des cas, ceux-ci travaillent au sein de l'entreprise qui subit leurs méfaits. Et généralement, ils prennent leur temps pour passer à l'acte car, dans 44% des cas, ils sont employés depuis plus de six ans avant de frapper. »
Rapprochement évident entre le privé et le travail de représentation :
« …certaines formes de fraudes sont indémodables. La plus répandue est le détournement d'actifs, qui concerne 56% des cas et qui inclut principalement les détournements de fonds ou les fraudes dans les processus d'achats. Dans 24% des cas, les fraudeurs se livrent à des escroqueries en tout genre leur permettant de mettre la main sur des biens ou d'empocher des revenus de manière illégale. «Les entreprises doivent se demander si leurs anciennes techniques de prévention de la fraude sont toujours efficaces», juge Grant Jamieson, associé chez KPMG, en soulignant que «de nouvelles approches de l'analyse des données peuvent donner aux entreprises de meilleures chances d'attraper les fraudeurs». Etc..
Et de conclure pour le Privé, ce qui fichtrement devrait faire réfléchir le public.
« L'enjeu est de taille pour les entreprises, car la facture peut vite grimper. Ces fraudes sont généralement commises sur une période de un à cinq ans et réalisées via plusieurs transactions, dont le montant s'échelonne en moyenne de 1000 à 50.000 dollars chacune. Le secteur des services financiers est le plus ciblé par ces fraudes, suivi de la pharmaceutique et de l'énergie. »
Les mobiles dans le privé sont les mêmes que ceux du pouvoir.
«Typiquement, une personne commet une fraude pour financer un style de vie extravagant, ou tout du moins très confortable. Nous ne voyons que très rarement des personnes devenir escrocs pour joindre les deux bouts».
Et encore, on n’a pas tout dit. L’employé du privé n’a pas le privilège de voter le montant de son propre salaire et de s’y adjoindre des primes, sans l’assentiment de son employeur.
Décidément, notre époque n’a rien inventé. Elle a simplement grossi le trait.

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