Racisme à la carte.
Oui, l’interdiction d’un spectacle, avant d'avoir lieu, est une atteinte à la démocratie et à nos libertés. Pas que Dieudonné la victime, nous le sommes aussi.
Tout est bon pour interdire, ce qu’on déteste. C’est humain. Ensuite viennent les prétextes.
Quand les représentants de l’État usent de mesures qui ne sont prévues nulle part, on peut se poser la question de leur légitimité.
Un humoriste sent bien où ça fait mal. Il peut se moquer de tous les génocides qu’il veut, citer Pol Pot, se faire une réputation d’amuseur sur le drame du Rwanda. Oui, ça fait un certain effet, on le trouve dégueulasse, mais personne ne pique une crise de nerf. Les indignés sont frappés de sidération. Les ligues haussent les épaules et le public aime ou n’aime pas.
Pour Israël et sa diaspora, il y a alerte ! Les gens dressent les oreilles. Les journalistes marchent sur des œufs. Les propriétaires des journaux téléphonent aux rédactions.
Ce qui était une vanne inappropriée pour ailleurs, devient une abomination, un sacrilège, et pour finir un délit ! Les Juifs sont victimes d’une trop grande attention à leur égard. Ce serait bien pour eux, que leurs fans les lâchent un peu.
Valls n’est pas contre le racisme. Il est contre l’antisémitisme. C’est l’interdit suprême. La chambre dans laquelle Barbe Bleue a pendu des femmes, le périmètre sacré !
L’artiste sait bien que s’il fait la connerie de s’attaquer directement à un personnage de la martyrologie communément admise, il va se mettre à dos quasiment toute la presse, les ligues, les guildes, les corporations, les personnages officiels. On ne rit plus. On ventile, on disperse, comme dirait Michel Audiard.
A la limite, seul un artiste juif a encore le droit de se moquer des Juifs ! Si Dieudonné était resté avec Élie Simoun en duo, l’affaire de la quenelle n’aurait jamais existé. En solo, sa déconne devient un crime. Et les crimes, il y a des lois pour ça.
D’autres, avant l’artiste, s’y sont cassé la gueule. Il ne sait pas, le malheureux, comme le pouvoir, quand il est en accord avec les médias, peut tout.
Au feu vert des autorités, les détenteurs de pouvoirs accessoires – administratif, bancaire, industriel et médiatique – se déchaînent. Ces affamés de vertu se produisent comme les mentors de la Nation et prétendent incarner la morale. On peut craindre les dérives venant d’en-haut, sous prétexte d’empêcher des dérives venant d’en bas.
Même le propriétaire du théâtre la « Main d’or » se tâte. L’homme d’affaires étudie les moyens de résilier le contrat de location. De Valls, il aura tous les experts qu’il veut.
Les circulaires Valls se réfèrent à l’affaire des lancers de nains qui fit du bruit en 1991. Une idiote d’un journal croyait que c’était Dieudonné qui les lançait !
Petit résumé des lancers de nains : en octobre 1991, le maire de Morsang-sur-Orge prend un arrêté interdisant un spectacle dans sa commune qui attente à la dignité de M. Manuel Wackenheim, (la personne de petite taille consentante et rétribuée dont on fit un chômeur). Le ministre de l'Intérieur de l’époque, Philippe Marchand, demande à tous les maires d'en faire autant. « …les spectacles dits de lancers de nains portent atteinte à la moralité, compromettent la sécurité et troublent l'ordre public. »
Le tribunal administratif de Versailles casse, en 1992, l'arrêt du maire estimant qu'il ne s'appuie sur aucune base juridique. Le Conseil d’État édicte que le respect dû à la dignité de la personne humaine, est une composante de l'ordre public.
Le tout est de savoir ce qui porte atteinte à la dignité de la personne humaine !
Si travailler dix heures par jour dans un vaste hangar sans fenêtre, les bras plongés jusqu’aux coudes dans l’huile d’une machine-outil, sous les brimades des chefs, la malveillance d’une direction (comme Goodyear) et sans la moindre initiative interprétée comme une perte de temps pour un salaire dérisoire, est une atteinte à la dignité humaine, alors d’accord, il fallait interdire les lancers de nains.
Il y a des dignités que l’on respecte et d’autres que l’on a garde de respecter !
Dans l’affaire Valls/Dieudonné, encore faut-il démontrer que le show porte atteinte à la dignité humaine. On voit d’ici le sketch que Dieudonné pourrait tirer du respect de la dignité humaine selon Valls.
Parmi les officiels de France et de Belgique personne n’a vu l’avantage de laisser les gens s’exprimer librement. Par la libre expression, on voit qui est qui. Libre à chacun d’être ami ou ennemi de qui on veut.
Valls croit qu’il y a unanimité sur les grands principes, réduisant le peuple à l’état de marionnette passive. En réalité, il craint la libre expression. En qualité de porte-parole du système, il entend imposer aussi bien les interdits que les permissivités.
Dieudonné fait de l’audience. Par ses positions politiques, il desservirait plutôt les partis.. Marine Le Pen, elle-même, condamne ses outrances.
Dieudonné, comme ces doctrinaires américains qui font remonter la création du monde à trois mille ans, bouffonne sur scène. Il encaisse les dividendes de la pub que fait Valls sur lui.
Les propos du ministre de l’Intérieur sont étrangement régressifs et réactionnaires, au diapason de ceux de Dieudonné, fantaisistes et inexacts.
C’est pour le moins étonnant que ce quinquennat socialiste soit aussi bizarrement axé sur les idées de la droite classique !