Une Femme de Droit...
...et une autre de spectacle.
Un article d’Éva Joly dans le Huffington Post vient conforter ma chronique d’hier sur l’absence de volonté de repenser le système capitaliste.
Pour la génération de la guerre froide, la moindre critique du système économique ne peut être proférée que par un marxiste. Elle est donc, de par son origine, irrecevable.
La pensée unique de notre système est le résultat d’un matraquage de vingt ans de la CIA. Les USA servent d’exemple au triomphe de la démocratie, grâce à l’économie capitaliste.
Les partis de gouvernement le savent bien, il suffit de peu de mots pour faire croire que les opposants sont des populistes et des marxistes rentrés, si bien que la gauche et la droite se trouvent coincées dans l’étroit couloir d’une pensée économique orthodoxe.
Aujourd’hui sur France 5, la charmante Caroline Roux présentait un thème sur le retard de la France en matière d’économie. Ces brillants invités n’ont, d’aucune manière, envisagé autre chose que suivre la politique commune, pour être en bonne place dans la compétition mondiale. Il y a ainsi une inexorabilité du précipice et une fascination du lieu commun, effrayantes. On se serait cru aux derniers jours de Byzance. Il faut dire que les quatre invités étaient unanimes, si bien qu’il n’y eut pas de débat. La France, selon ces experts, doit immédiatement fabriquer plus de chômeurs, vider les Administrations des employés en surnombre et libérer les patrons de la déprimante pensée des frais d’embauche et des retenues sur le travail.
Ne serait-il pas temps de tourner la page, soixante et un an après la mort de Staline, pour enfin regarder notre destin autrement, sans l’ombre de « l’ogre soviétique » le couteau entre les dents, qui nous faisait craindre la vérité interne, de peur que l’adversaire en fasse une arme ?
Apparemment, la crise de 2008-2009 dont nous souffrons encore, n’aura conduit à aucune leçon, ni aucune remise en question.
Notre système est à bout de souffle. Il a montré toutes ses capacités et inondé les marchés de ses gadgets dont certains sont devenus indispensables et, parfois, même utiles.
Maintenant ça suffit. Les partis de gauche devraient sérieusement toiletter leur concept et faire un trait sur la social-démocratie trop ancrée dans le conventionnel. De même le mouvement libéral aurait intérêt à consulter d’autres économistes que ceux des banques pour réfléchir aux attelles à placer autour du membre malade.
Pourquoi ? Parce que depuis 2009 leur préférence pour le système capitaliste mondial est entachée d’une mauvaise foi patente et d’une complicité douteuse contre l’esprit même de la démocratie et que ça commence à se voir.
Pour en revenir à Éva Joly, sénatrice européenne EELV, femme de cœur et femme de Droit, son article, à propos de l’Affaire Kerviel, dépassait l’histoire du trader de la Société Générale poursuivi « pour conduite imprudente ayant entraîné des pertes dans son entreprise ». C’est toute la complicité morale et matérielle des représentants de l’État qu’elle dévoile à travers la critique d’un procès qui condamne en réalité le système et ses complices, plus que Kerviel, simple rouage appointé.
« Quand la puissance publique, dit-elle, verse 1700 millions de recettes fiscales pour dédommager une banque, qui aurait été victime d'une fraude, Il faut s'arrêter, regarder, et poser toutes les questions des travers de gestion de cette banque. Les lignes qui suivent visent donc à éclairer celles et ceux que l'intérêt général et le sens de la justice animent. »
En Belgique, nous sommes encore trop près de 2009-10 de la largesse de l’État, à la suite du discours de Reynders pour « sauver le personnel des banques », pour qu’ensuite, celui-ci soit massivement licencié, et rester insensibles aux propos de la députée européenne.
Ci-dessous les 5 questions fortement résumées, qu’elle se pose :
« 1. … plusieurs pans du droit français semblent avoir été ignorés. Tenir Kerviel pour coupable commande de considérer que la banque pour laquelle il officiait ignorait tout de ses prises de positions spéculatives… Il y a lieu de demander à la Société Générale de donner à la Justice les documents de travail de ses Commissaires aux comptes où tout doit figurer, y compris les opérations prises par Jérôme Kerviel. Pourquoi cela n'a-t-il pas été fait?
2. Comment croire que personne n'ait rien vu… alors que les résultats exorbitants de Jérôme Kerviel… devenaient ses objectifs pour l'année suivante? …un trader moyen fait gagner à la Société Générale entre 3 et 5 millions d'euro par an, Kerviel réalise 5 millions la première année, 12 l'année suivante, puis 55 millions en 2007. Les chiffres suffisent à s'interroger sur la connaissance que la banque avait de cette affaire.
3. Pour quelle raison les boites mails de la hiérarchie de Jérôme Kerviel n'ont jamais été saisies? Cette exploitation aurait permis de savoir le degré de connaissance de la banque et de répondre à une question simple: existe-t-il une affaire Kerviel ou de la Société Générale?
4. Comment la banque peut-elle tout ignorer des actes de Kerviel alors que la Société Générale corrigeait l'impact en P&L (c'est-à-dire en résultat) de ses opérations?
5. Pourquoi les supérieurs hiérarchiques de Jérôme Kerviel ont-ils été payés jusqu'à sept années de salaire alors même qu'ils avaient été licenciés pour faute grave? Une telle indemnisation laisse songeur. »
Et Madame Éva Joly de conclure « Chaque jour qui passe montre que nos sociétés sont malades, et d'abord de leur matérialisme. Le traitement de l'affaire dite "Kerviel" dira si nous avons définitivement rendu les armes devant les puissances de l'argent ou si un espoir de désintoxication de nos sociétés est encore permis. »
On regrette que le débat de « C’dans l’air » de Caroline Roux, sur la Cinq, n’ait pas été contradictoire.
Commentaires
http://www.slate.fr/story/83219/tina-autre-politique
Postée le: Joseph Meyer | février 11, 2014 09:33 PM