Allô le conflit ? Ici Didier…
On se croirait revenu aux temps héroïques de la guerre froide.
De 1947 à 1989, l’appellation d’Orwell « Cold War » du conflit mondial - l’arme au pied - a fait florès. Nous nous étions proclamés « Monde Libre » ! Cela supposait qu’en face on ne l’était pas.
On remit à l’ordre du jour un vieux truc de Machiavel : celui de la juste cause.
Succès formidable ! Les travailleurs du monde occidental se sont détournés du communisme. Celui-ci s’est effondré faute de partisans, dans l’ignominie des dirigeants concussionnaires et prévaricateurs. Eût-il été moins influencé par les médias et la presse, que le peuple eût peut-être rendu vertueux les successeurs des dirigeants corrompus de l’URSS ?
N’ayant rien appris et rien compris nous revoilà repartis pour un reaganisme bis.
Ce qu’il y a de surprenant, c’est l’attitude d’Obama. On dirait qu’il a réussi la fusion de Nixon et de Reagan dans sa personne !
Certes, les batteries de presse sont là pour ouvrir le feu. Bien sûr les interviews chocs nous donnent bonne conscience pour une intervention, qui n’aura pas lieu. Ce qui est visé, c’est l’indignation. Un indigné est acquis à l’avance à la démocratie, version Wall Street. Stéphane Hessel est mort trop tôt ! Il aurait dû voir ça !
Est-ce bien raisonnable ?
L’intervention de la Russie en Crimée est si surprenante qu’elle a pris de court nos penseurs, sauf Bernard-Henry Lévy. L’occupation par la force d’un État voisin ne se pratique plus de nos jours entre pays à la même économie libérale.
Comme tout se passe depuis les états-majors des banques, Obama a cru malin de menacer la Russie de sanctions économiques. Du coup, les singes copieurs d’Europe ont fait pareil. On a même entendu des économistes préconiser l’arrêt d’achat de gaz russe, privant ainsi ce pays des seules rentrées considérables qui assurent la fortune de ses dirigeants, mais aussi les choux et la vodka du peuple. Ils avaient tout simplement oublié les conséquences pour les occidentaux : l’arrêt d’une bonne partie de leurs activités grandes consommatrices d’énergie. Au moment des vaches maigres, de l’austérité et des suites d’une crise profonde, on ne peut pas dire que c’était une bonne idée.
A la suite du conflit, il semble que la Crimée, sous influence russe, va déclarer son indépendance. Et alors ? Le « cadeau » de Nikita Khrouchtchev à l’Ukraine serait repris par Poutine soixante ans plus tard, qu’est-ce que cela veut dire, sinon qu’on demande rarement l’avis des gens dans les découpages « stratégiques ». Les Africains en savent quelque chose. Nous aussi en Belgique avec le tracé de cette mirobolante frontière linguistique, unique en son genre, réprimant l’inévitable mouvement des langues parlées, nous sommes servis !
La Russie ne joue pas le jeu, entend-on, voilà qui secoue nos élites.
Hier matin Daniel Cohn-Bendit à la radio n’avait pas de mots assez durs pour stigmatiser l’attitude d’un Mélenchon.
Le leader du Front de Gauche n’est pas convaincu de l’altruisme « des patriotes » de Kiev, du moins de ceux qui les représentent. Que Mélenchon ne soit pas en phase avec la sensibilité de l’Europe pour l’Ukraine, c’est tout à fait compréhensible. Dany, jadis le Rouge, a tranché, Mélenchon est un trotskiste version 1930.
Je n’ai pas la prétention de dire lequel des deux a tort. Je ne tire ce que je sais, que de ce que je vois. Or, les temps sont durs dans nos démocraties pour un bon tiers de la population et très moyens pour un autre tiers. Tout le monde sait que depuis qu’il appartient au tiers restant, Daniel Cohn-Bendit ne se reconnaît plus dans le jeune révolté de mai 68.
Quand les Etats-Unis foncent en Irak ou soutiennent un gouvernement corrompu en Afghanistan, c’est pour tôt ou tard se retirer, après avoir « pacifié » le pays et donné à ses dirigeants des notions du bien et du mal. On voit le résultat. On pourrait aussi avoir le même type de raisonnement du côté russe, mais le fait est : la Crimée est à 60 % russophone.
Heureusement, les pays aujourd’hui en viennent rarement à des conflits armés pour des territoires. La guerre des Malouines est, en ce sens, une dernière guerre coloniale.
Kiev serait plus avisé de s’accommoder de ses russophones et de les laisser choisir librement le pays dans lequel ils voudraient être.
Nous devrions plutôt essayer de régler en Belgique une autre liberté, celle de pouvoir s’exprimer dans la langue que l’on veut partout sur ce petit territoire.
Que nous ayons échoué, ne nous autorise pas à vouloir donner des conseils aux autres.