Quand l’Amérique dételle.
Il est rare qu’une actualité, fût-elle guerrière, tienne le rythme maximum une semaine durant. C’est pourtant le cas de l’Ukraine, grâce à des rebondissements de crise et à la tournure internationale que l’affaire a prise.
En marge de l’évolution du conflit qui passe d’interne à externe avec l’intervention russe, deux remarques.
La première, c’est le paradoxe chinois. Voilà un pays, allié de la Russie, qui a toujours défendu farouchement la non ingérence des autres dans la conduite interne en Chine, et ce depuis l’affaire du Tibet, la Chine considérant que le Tibet est un territoire Chinois, les pays occidentaux le déniant. C’est le raisonnement soutenu à l’ONU par la Chine pour la question syrienne. Et voilà que la Russie, de manière peu nette mais vérifiable quand même, s’ingère dans les affaires internes de l’Ukraine en occupant la Crimée et Pékin ne dit rien !
Il y a là deux poids, deux mesures qui jettent une lumière trouble sur la crédibilité de ce pays.
La seconde remarque tient à la conférence de presse de Poutine sur la situation en Crimée. L’histoire des équipements que l’on peut acheter partout et qui vous font passer pour un soldat russe est, certes, faite sur mesure pour l’opinion russe. Poutine crédite ainsi la révolte des russophones de Crimée contre les putschistes de Kiev. Mais qui cela trompe-t-il dans les milieux bien informés à Moscou ? Pourtant, aucun journaliste accrédité en Russie n’a relevé le mensonge ; alors qu’il était très facile de démontrer que l’important charroi de camions et de blindés s’il n’avait aucun signe distinctif peint sur les tôles et que les servants des machines n’avaient ni insigne, ni grade, les plaques minéralogiques des véhicules étaient bien ceux de l’armée de Poutine.
C’est ce qui s’appelle une presse muselée.
Et cette constatation est la plus inquiétante. Car, cette approche de toute information des journalistes russes est désormais suspecte. On peut remercier Vladimir de nous l’avoir fait observer indirectement.
Pour le reste, nul ne sait comment on va pouvoir, à l’Est comme à l’Ouest, trouver une solution pour que l’affaire finisse en eau de boudin, sans perdre la face.
Un qui l’a déjà perdue c’est Obama.
Les rodomontades c’est fini. Quand le président des USA avertit Poutine qu’une agression armée contre l’Ukraine serait porteuse de conséquences et que l’agression se fait quand même, jusqu’à présent sans effusion de sang, et qu’il n’y a comme conséquences que quelques menaces d’ordre financier, on peut dire qu’Obama se dégonfle aux yeux de l’opinion internationale et affaiblit la position de l’Amérique, tandis qu’il renforce l’image d’un Poutine volontaire et énergique.
C’est une autre façon de montrer aux yeux des dictateurs du monde entier que le roi est nu et que l’Amérique n’est plus ce qu’elle était.
C’est bon pour la paix, certes, mais ça donne des idées aux Émules de Bachar el-Assad. Et, d’une autre manière, ça pourrait permettre aux pays musulmans de relever la tête et d’accabler Israël en renforçant leurs aides aux Palestiniens.
Comme on voit, le conflit ukrainien éclaire aussi de façon crue une Amérique en proie au doute et à la crise, sabrant dans son potentiel militaire et rognant ainsi elle-même ses canines.
Nous n’en serons pas tristes.
Un agresseur en moins dans la bagarre, c’est d’une certaine façon désamorcer le conflit.
Mais l’ivresse de la victoire peut enflammer l’enthousiasme du vainqueur. Surtout que l’Europe se présente en maillot de corps et fort incapable de monter sur le ring.
Il ne nous reste qu’un espoir, celui de croire en la mansuétude de Poutine.
Il ment à ses journalistes comme il respire. Pourquoi s’arrêterait-il à faire valoir « son bon droit » en volant au secours de ses compatriotes ? Puisque dorénavant nous ne sommes pas en mesure de lui opposer de la résistance, il faut bien faire comme eux et faire semblant de croire ce qu’il dit.