Une belge différence…
En Belgique, on adore la politique… française !
Il s’y passe toutes les semaines un événement, un rebondissement d’histoire ancienne. Chez nous, rien ! Non pas que nous n’ayons jamais des dérapages, que nos élites soient irréprochables, mais il est impossible de les raconter. Ils ne viennent jamais aux oreilles du public.
Les mœurs politiques du pays ne sont pas les mêmes.
L’alternance : en France, il y a une gauche – même molle – et une droite – même centriste. Jusqu’à preuve du contraire, elles sont à couteau tiré. Elles s’épient et attendent d’être au pouvoir pour défaire ce que l’autre a fait.
En Belgique, il n’y a ni gauche, ni droite, mais un énorme paquet de voix à chercher au centre, le tout fait un gouvernement de légos, violets, verts, bleus, avec des variantes. La majorité est pastel ! Si bien que les programmes s’annulent par l’imbrication et la promiscuité des autres, et quand, par hasard, une affaire affleure, elle est tout de suite éteinte par la lenteur même d’une justice, qui ne connaît le flagrant délit, que pour les menus larcins du peuple. Nous n’avons plus de politiciens mais des « apoliticiens ».
Une autre raison aussi, tout le monde se connaît. L’Haut Lieu est un vaste salon où l’on cause. Cette promiscuité des partis dans des gouvernements d’union soude les ministres entre eux.
Les diversités ne se retrouvent qu’à quinze jours des élections. Alors, on se critique. Mais, c’est pour la frime. Ces quinze jours, c’est la période de carnaval des partis. Ils se déguisent en bouffon pour amuser le public. Personne n’est dupe et après le vote, ils se retrouvent tous pour former le gouvernement suivant.
En France, les batailles sont âpres et les enjeux mieux définis. La justice s’efforce de garder sa sérénité. Mais elle est atteinte indirectement par les affaires qu’elle traite, à cause de sa proximité avec les deux courants de pouvoir. Elle n’est indépendante que dans la mesure où les magistrats coupent les ponts avec les partis et se sont défaits d’opinions préalables. Mais, on n’y peut rien, le syndicat de la magistrature est de gauche et les hauts magistrats de droite.
En Belgique, c’est simple, la magistrature est conforme à l’image que l’on s’est faite une fois pour toutes d’un pays doté d’une monarchie constitutionnelle catholique et militante. Tous les magistrats sont conservateurs, quel que soit le parti d’origine, comme le souhaite la Constitution en termes voilés. Ils sont donc tous intrinsèquement d’accord. Si bien que les Lois ont l’air de n’être faites que pour les gens de peu qui écopent lourdement par l’effet d’une sorte d’élection censitaire de leurs juges.
L’effet est immédiat selon la morale de la fable de Lafontaine : « Selon que vous serez, puissant ou misérable… ».
Les anciennes affaires « politiques » qui traduisaient devant la justice la partie maffieuse du parti socialiste à la suite de l’assassinat d’André Cools se sont éteintes avec Guy Mathot. La venue au centre du PS et l’allégeance de son conducator Di Rupo à la social-démocratie ont définitivement fermé les conflits entre les juges et le PS. Les notables ont reconnu en lui un des leurs et le PS, est aujourd’hui un parti bourgeois bien utile pour tempérer les syndicats.
Il n’y a aucune incompatibilité dans les opinions de la magistrature. On peut être franc-maçon et chrétien, libéral et socialiste, pencher pour le constitutionnaliste Delpérée ou son alter ego Marc Uyttendaele. L’essentiel c’est l’économie de marché, avec une vision monarchiste de l’État.
Pendant ce temps, le système électif français à deux tours clive en deux alternatives possibles la direction du pays. Pour y donner un semblant de justice, on vote deux fois pour tout et y compris pour le chef de l’Etat.
Une monarchie a ceci de particulier que le suffrage universel n’y existe pas vraiment puisqu’on ne vote jamais pour elle. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Les présidents français que nous connaissons ne donnent pas l’image d’une réussite. Sauf que chez eux une présidence calamiteuse se limite à cinq ans, tandis qu’une royauté, c’est à vie.
Le tout est fortement tempéré par l’incapacité du peuple à se définir dans une démocratie par délégation, qui aboutit à sa confiscation pure et simple par les notables.
L’un dans l’autre et par comparaison des deux pays, c’est la France qui semble dotée d’une vie démocratique plus active, avec des rebondissements qui peuvent atteindre n’importe qui et y compris les anciens chefs d’État.
La Belgique a développé un système dans lequel les pouvoirs se tiennent dans un respect commun, contre ce qui apparaît être leur seul ennemi : la multitude ! C’est un réflexe typiquement bourgeois qui nous suit et se transforme selon les circonstances depuis 1831. Il englobe les institutions et se cristallise autour des notables. Il baptise démocratie ce qui n’en est que l’apparence. On pourrait définir le régime comme étant une particratie sous contrôle, mettant en évidence une sorte de despotisme feutré, méfiant et cependant « éclairé », à la merci d’un olibrius du genre de Bart De Wever. Non pas que Bart De Wever ne soit pas un des leurs, au contraire ; mais il est doté de ce que l’on déteste le plus chez les notables, le pouvoir d’éclairer à sa guise grâce à une parole rhéostatique.