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Une boucherie centenaire.

On va encore nous en faire baver les mois qui viennent en commémos « inoubliables » sur le thème de la Grande Guerre, celle que Brassens préfère, de 14-18.
Non pas qu’il ne faille pas avoir une pensée émue pour tous ces pauvres types des deux côtés de la ligne de front qui se sont étripés sur ordre, jusqu’aux derniers parfois, pour défendre une cause qui n’était pas la leur et qui ne le devint que par la force des destructions et des sauvageries propres à l’homme.

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On va y associer les militaires de carrière qui ont fait la guerre par métier dont des généraux qui d’Ypres à Verdun ont parfois été de véritables assassins menant à l’abattoir dans des batailles inutiles des centaines de milliers d’hommes, alors que sans ces chefs monstrueux, à l’armistice de 18, beaucoup auraient pu encore vivre quelques belles années.
Le côté haïssable des commémos qu’il faut dénoncer, tient justement dans cet amalgame des morts innocents, à la gloire haïssable de leurs bourreaux, destructeurs du peuple et cannibales sur ordre et par bêtise.
A cette occasion, on pourrait relire ou découvrir « Le voyage au bout de la nuit » de L-F Céline, plutôt que les bluettes irréalistes et sottement patriotiques, dont nous allons être submergés.
Je sais pour certains, l’auteur est un salaud fini, un collabo dégueulasse et un antisémite violent. Lit-on à travers son œuvre, la vie d’un homme ou bien s’intéresse-t-on seulement à ce qu’il écrit ? Les grands auteurs doivent-ils être d’abord irréprochables avant que le public ait à considérer leur œuvre ? Si les auteurs doivent être sans taches, alors on pourrait faire des anthologies de deux pages et tout serait dit.
Comme l’a écrit Philippe Sollers « Céline moins menteur que tous les autres ? C’est probable. ». C’est de cette vérité là – même si elle est approximative – dont nous manquons le plus.
Le Voyage est un livre écrit à la première personne. L’auteur y était et a participé en casque et cuirasse de hussard aux horreurs de la première guerre mondiale.
Ce livre n’est pas un essai, ne dit pas l’Histoire, c’est un roman au service de la pensée intime de celui qui a vu et retenu, même si sa pensée extravagante a aussi scruté les apparences jusque derrière les rideaux des hostos, aux planqués de l’arrière.
C’est déjà un vieux « machin », contemporain de Barbusse, de Genevoix et de Remarque, puisqu’il a concouru en 1932 pour le Goncourt, offert à un certain Mazeline, dont tout le monde aujourd’hui se fout, alors que le Voyage…
La guerre ? « La guerre en somme c’était tout ce qu’on ne comprenait pas », « une formidable erreur », un « abattoir international en folie », « L’imbécillité infernale », « la sale âme héroïque et fainéante des hommes », « dupés jusqu’au sang par une horde de fous vicieux devenus incapables soudain d’autre chose, autant qu’ils étaient, que de tuer et d’être étripés sans savoir pourquoi », « la fuite en masse, vers le meurtre en commun ».
C’est la dérive d’un homme Bardamu et d’un tas d’autres dépassés, engloutis et surnageant à peine avec les moyens qu’ils peuvent pour ne plus y aller, comme ce blessé de guerre, sans doute guéri, et qu’on garde dans un hôpital de l’arrière parce qu’il n’a pas son pareil pour redonner du moral à ceux qui vont y retourner, sachant ainsi que lui n’y retournera pas.
« C’est des hommes et d’eux seulement qu’il faut avoir peur, toujours. » dit Céline et c’est tellement d’actualité.
La « morale » pour tout autant qu’il y en ait jamais eu une « La grande défaite, en tout, c’est d’oublier, et surtout ce qui vous a fait crever, et de crever sans comprendre jamais jusqu’à quel point les hommes sont vaches. »
Son travail de mémoire, ce n’est pas celui de ceux qui, en gants blancs, posent des gerbes devant des monuments « Quand on sera au bord du trou faudra pas faire les malins nous autres, mais faudra pas oublier non plus, faudra raconter tout sans changer un mot, de ce qu’on a vu de plus vicieux chez les hommes et puis poser sa chique et puis descendre. Ça suffit comme boulot pour une vie tout entière. »
Dans un entretien, Céline sur le tard parlera de l’intellectualisme qui se saisissant de toute chose, les dénature et les détourne « Les idées, rien n’est plus vulgaire. Les encyclopédies sont pleines d’idées, il y en a quarante volumes, énormes, remplis d’idées. Très bonnes d’ailleurs, excellentes. Qui ont fait leur temps. Mais ça n’est pas la question. Ce n’est pas mon domaine, les idées, les messages. Je ne suis pas un homme à message. Je ne suis pas un homme à idées. »
Est-ce que Socrate, Platon, Aristote, pour ne citer que ceux-là ont été des salauds ? On n’en sait rien. Il y a trop longtemps qu’ils sont morts. C’est dommage pour Céline.

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