Le Diable marqué à la culotte.
Encore une nuit dormir et voilà le grand événement qui nous tombe dessus. Les supporters entrent en transe, les journaux abandonnent la politique pour se lancer résolument dans le culte du ballon.
À la Une du Soir, deux titres l’un derrière l’autre. « Craintes de fermeture chez Delhaize, pertes d’emplois » et en-dessous « Les Diables sont arrivés au Brésil : place enfin aux choses sérieuses ».
Les futurs licenciés de cette chaîne de magasins apprécieront.
Pourtant, les choses sérieuses du Soir, ne le seront pas tant que ça au Brésil. Certes nous y arrivons avec notre suffisance, notre ambition démesurée, mais serons-nous capables de couvrir les cris de détresse de millions de Brésiliens sans logis, par nos rugissements – fussent-ils imbéciles – d’une Belgique triomphante ? En un mot, sommes-nous crédibles en « choses sérieuses » ?
Si au Soir tout le monde arbore le maillot des Diables (les regards goguenards des journalistes sont une épreuve terrible pour les paires de loches de ces dames sous le T-shirt), à la Dernière Heure plus spécialisée encore des pelouses à ballons, c’est proprement du délire. Les paris sont ouverts : tout le monde à poil en cas de triomphe belge. Si une chose pareille arrivait, De Wever renverserait la monarchie, qu’à la rédaction on ne s’en apercevrait même pas !
Pour les ronchons – parmi lesquels on me compte - qui considèrent que les choses sérieuses sont ailleurs, ramasser de l’argent à la pelleteuse dans les métiers du foot, est une perversion de plus dans le système..
En Belgique, moins on a de salaire, c’est-à-dire moins on est considéré, réduit pratiquement à être confondu avec de la merde, plus on adule et admire les rois friqués du foot.
Il faut reconnaître que les pauvres du Brésil sont plus dignes !
Depuis que le travail ne vaut plus rien et que les jongleurs des pieds dominent la scène mondiale, il est quand même utile de renseigner les supporters sur les besoins de la population brésilienne pas épatée du tout par les milliards de dollars qui passent d’une poche à une autre, ni par l’arrivée de notre gros avions, avec sa cargaison humaine de pignoufs survitaminés.
Le Mouvement des travailleurs sans toit (MTST) ne va pas laisser Dilma Roussef gueuler quinze jours « Brazil-Brazil », sans troubler le cours paisible de sa présidence, même si le mouvement n’est pas contre la coupe. Les favelas à côté desquels les bidonvilles de Roumanie sont des hôtels trois étoiles, n’ont rien à foutre des accords de leurs dirigeants avec ceux du Copa do Mundo de Futebol.
Les employés du métro de Sao Paulo feront savoir mercredi soir s'ils reprennent jeudi la grève qui a plongé le capitale économique dans les cauchemars polluants. Par contre Roussef a donné des biftons aux employés du métro de Rio de Janeiro pour qu’ils la ferment au moins jusqu’à l’autre fermeture : celle de la coupe.
La FIFA n’en mène pas large. On sait que tous ces Hauts Sportifs sont suffisamment lestés des dollars du pétrole pour vivre cent ans sans rien foutre. Mais, ils s’inquiètent que quelques derniers membres « honnêtes » ne viennent chahuter leur 64e congrès, plombé par les accusations sur l'attribution du Mondial 2022 au Qatar.
Le patron du football mondial, Joseph Blatter, 78 ans, s’accroche à son fauteuil. Il est tellement corrompu qu’on ne sait quel grief lui reprocher !
Tout ce beau monde espère au premier coup de sifflet de l’arbitre, que l’enthousiasme du public emporte les ressentiments, les haines et les dénis sociaux pour faire du brûlant supporter mondial, une sorte de zombie énamouré.
Avant ça, il y aura un peu d’émotion lors de la cérémonie d’ouverture qui "rendra hommage aux trois trésors du Brésil « la nature, le peuple et le football". En attendant un des trois trésors, le peuple, est un des plus pauvres au monde, et la nature est en voie d’extinction pour cause d’exploitation aberrante des sols.
La nostalgie de la danse du calumet saisit les foules. Les cinglés qui ont accompagné les Diables à l’aéroport, faisaient penser à Cro-Magnon, en train de violer une femme de la tribu voisine.
Les gardiens du zoo ont bien rigolé !