« J’y suis, j’y reste. | Accueil | Élio, roi de Béotie… »

Béatrice Delvaux, éditorialiste.

L’éditorialiste en chef du Soir, Béatrice Delvaux, livre à la réflexion de son public le parcours d’un parti (le MR) dont Charles Michel est président, qui se jette dans les bras d’un parti qu’il abomine (la N-VA)… par détestation du PS.
Peu importe les autres motifs, de nobles à bas, la gamme est large et ce n’est pas la première fois que les libéraux disent blanc pour agir noir.
L’éditorial de la Chef est clair précis et d’un grand intérêt.
On dit souvent des choses pour gagner une élection, qu’on trahit instantanément pour une goutte de pouvoir, après.
Mais les contradictions ne s’arrêtent pas là. Les deux bourgmestres de Charleroi et de Namur en sont les preuves vivantes. Ils protestent de leur amour inconditionnel pour leur ville et s’empressent de l’abandonner officieusement pour une fonction plus prestigieuse.
Que les partis ne viennent pas nous faire la leçon pour nous présenter les quelques hautes fonctions qu’ils font partager à un groupe restreint de leurs adhérents, parce qu’il n’y aurait personne d’autre capable d’en assumer la tâche et les responsabilités. Ce serait faire injure à onze millions de Belges.
Madame Delvaux n’a pas écrit cette dernière réflexion sur les partis. Pourtant, après avoir rédigé son éditorial, elle n’en devrait pas moins flirter avec l’idée.
Finalement, ce n’est pas l’éditorial qui me gêne, au contraire, il m’enchante. Et je pense exactement la même chose. Ce qui me gêne, c’est l’éditorialiste elle-même, si lucide et pourtant si obstinée dans sa foi d’une société dont elle dénonce les perversités.
C’est la conclusion morale qui manque dans le papier de Madame Delvaux.
Comment peut-on encore vouloir une forme de démocratie qui conduit à produire de véritables monstres, avides de pouvoir et d’argent ?
Comment peut-on écrire ces choses et les ayant écrites poursuivre son chemin parmi des êtres immoraux, le sachant, sans en être soi-même incommodée ! Cette perversion dénoncée, est-ce suffisant ? N’est-ce pas tomber dans la complicité en poursuivant gentiment une belle carrière d’éditorialiste en chef ? C’est-à-dire, capable comme Charles Michel, Paul Magnette et Maxime Prévot, de dire tout et son contraire, et afficher quand même le visage serein de l’honnête femme. Ah ! cette image de Cahuzac les yeux dans les yeux des citoyens, me hante encore.

1bezoek.jpg

Car, ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas d’une tragédie. Une tragédie, c’est lorsqu’à la dernière scène les héros meurent tandis que le rideau tombent sur eux. Il n’y a plus rien à dire. Ils ont payé en bourreaux ou ont été immolés en victimes. Non. Il s’agit d’un vaudeville bourgeois. Un drame à l’envers où l’on rit du cocu, parce que c’est un naïf et on applaudit l’amant, parce que c’est un roué et qu’il ne croit pas en ce qu’il dit. Tout le monde ment et le public rit. Pourquoi rit-il, parce qu’il se croit en dehors de la situation. Il est le démiurge à qui un dieu supérieur fait croire que c’est lui qui tire les ficelles.
Qu’arrive-t-il aujourd’hui ? Les ficelles sont grosses et pourries. Elles tombent des cintres sur les têtes des spectateurs. Personne ne rit plus.
Et que fait madame Delvaux ? Confortablement installée dans une baignoire d’avant-scène, elle mange des petits fours, en regardant le public à la lorgnette. Elle appelle ça faire du journalisme !
Et demain, dans l’éditorial suivant, elle s’en ira écrire les exploits ou les déconvenues de ceux qu’elle a littéralement cloués au pilori, parce qu’ils le méritaient ! Elle recueillera leurs confidences, la bouche en cœur et l’âme désabusée, mais sereine. Le lecteur, lui, ne s’apercevra pas de l’imposture. Il ne retiendra que le consensus : l’État belge, les chapeaux de Mathilde et Bart De Wever qui s’est bien radouci ces temps-ci.
Quitter un milieu dans lequel on est reconnu, où l’on a ses aises, dont on tire ses moyens de subsistance, c’est quasiment surhumain. Ce serait une absurdité d’abandonner une société bourgeoise décadente quand il y a cinquante ans qu’on y barbote et qu’on s’y trouve bien. Comme Camus l’écrit dans « le mythe de Sisyphe » page 22, « Il est toujours aisé d’être logique. Il est presque impossible d’être logique jusqu’au bout. »
Et pour faire quoi ? Écrire dans quelques minables gazettes sans lecteur et sans en tirer rétribution ? Militer pour un autre système et se faire incendier comme ce pauvre type de Richard III ?
Je comprends… je comprends, mais n’approuve pas.
Dans cet éditorial, vous avez fait ce que vous avez pu. Vous en demander davantage serait compromettre votre sécurité et votre confort. Pardon, d’avoir espéré.
Votre admirateur d’un Soir.

Poster un commentaire