Tous pour rire ou tous pourris ?
Ce serait une erreur de croire que les dérives politico-financières des partis s’arrêtent à la frontière franco-belge et que ce qui se passe du côté de l’Hexagone ne pourrait en aucune manière se passer en Belgique.
Au PS de la rue Solferino, c’est la manière dont Hollande fait de la politique qui fait tache. Car enfin, voilà quelqu’un qui se fait élire sur un programme de gauche et qui s’empresse au pouvoir de mettre sur pied un programme de droite ! Ce manque de respect pour l’électeur développe une fronde de certains députés à l’intérieur du parti, tandis qu’à l’extérieur, les électeurs regardent ailleurs que du côté du PS. Et c’est bien normal.
En plaidant avec Manuel Valls ce changement de cap nécessaire, Hollande met en lumière une incompétence coupable, à moins que ce ne soit une duperie honteuse, dont il a fait preuve dans toute sa campagne pour la présidence.
À l'UMP, c’est le côté sombre de la politique qui émerge des comptes et de l’audit commandé par les chapeaux à plume. Faire de la politique aujourd’hui, c’est un business prisé en ce temps de crise, parce que très rémunérateur.
On en appelle à la conscience et au patriotisme des Français, comme on doit en appeler à la conscience et au patriotisme des Belges, tout en s’adjugeant des salaires princiers et des pourboires royaux, en trafiquant ses pouvoirs, en monnayant son influence.
Pris la main dans le sac, les caciques de l’UMP se défendent en dézinguant leurs collègues, en refusant d’assumer la gabegie, parfois le vol qualifié, tout en reportant leur responsabilité sur les autres.
C’est particulièrement gratiné depuis mardi à l’ouverture des comptes de l’UMP par un audit. Une dette de presque 80 millions d'euros, des dépenses excessives pour des services fictifs ou légers, des notes de frais de star, pour des directeurs et des épouses des caciques à faire pâlir Paris Hilton, des députés européens se faisant payer par le parti des services déjà rémunérés par l’Union européenne, et sommet de l’inconscience qui dénonce cela de la voix inflexible du juste ? Alain Jupé condamné lors de l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris !... évidemment un expert en la matière.
On ne doute pas un instant que la campagne de Sarkozy à la dernière présidentielle ait été pour beaucoup dans cette dérive de politiciens se prenant pour des actionnaires réclamant leurs dividendes, comme on ne doute pas un seul instant que cette dérive est loin d’être isolée et qu’on pourrait à raison critiquer ces mœurs politiciennes dans les pays de l’Union où le personnel politique fixe lui-même ses émoluments et ses privilèges, par exemple en Belgique. L’événement majeur qui transcende cette dérive, est sans conteste la mort des idéaux. La perte des valeurs a donné naissance à une nouvelle race d’élus cherchant le profit, comme un trader se fait du fric dans une banque.
L’UMP dans le collimateur du public et des journaux est-elle condamnée, comme l’affirme Christian Estrosi, maire de Nice, trouvant le parti "déjà mort" ? Jean-François Copé, concerné par l'affaire Bygmalion, ancien président, est-il le fossoyeur de la droite française sous les trois lettres acronymes ?
Sarkozy est-il capable de ramasser les morceaux de l’UMP pour la reconstituer ou faire du neuf avec ses débris ?
C’est toute la démocratie qui est menacée par la façon qu’ont aujourd’hui les personnels, de quémander des places en abusant l’opinion publique sur les qualités de leur service.
C’est aussi la faute des gens trop souvent lâches et sans esprit critique qui laissent ces personnels fixer les montants des salaires qu’ils s’adjugent, sans qu’ils puissent intervenir, sans que les abus soient sanctionnés par un tribunal du peuple.
En France, comme en Belgique, les partis malades de leurs élites ont transmis la peste à la démocratie. L’ordre bourgeois financier triomphe, laissant prévisible un naufrage social et moral de grande ampleur.
C’est enfin l’accréditation de la thèse « tous pourris » et la menace d’un soulèvement populaire balayant ce monde dépravé.