Une opposition saprophyte (1).
Les difficultés de faire cohabiter deux approches différentes du socialisme en France viennent de trouver une certaine apogée à l’université d’été de La Rochelle. On y a perçu l’évidente fracture entre un socialisme libéral et un socialisme populaire.
Le spectacle d’un parti déchiré aurait dû inspirer quelques commentaires en Belgique par comparaison avec nos partis gauche droite confondus, allant bon an mal an d’une législature à l’autre, sans trop de divergences entre la droite flamande et la gauche wallonne, sans aucune contestation, ni aucune déchirure. Le socialisme populaire en Wallonie, c’est toujours celui de Di Rupo. Est-ce que ce type est un génie ou les Wallons des malades mentaux ? Ce n’est plus à l’intérieur du grand parti francophone qu’il y a consensus, mais entre la gauche et la droite.
Quel pays sommes-nous pour afficher aux yeux du monde une sagesse unique dans les annales de l’Histoire de l’Europe ? Sinon que cette sagesse est le fruit d’une apathie générale brouillant les pistes !
Les électeurs de gauche ne se sont pas sentis piégés par le PS. Ils ne voient pas leurs élus tels qu’ils sont. Ceux-ci, en vrais sybarites, d’abord convaincus que pour faire vivre autrement leur clientèle, il fallait en faire l’expérience, se sont habitués à l’idée que leur standing était hors de portée des électeurs. Ils se sentaient des libéraux sans l’oser pouvoir dire. Avec Di Rupo, ils n’ont plus honte.
On le voit bien que la Belgique a son monsieur Hollande à Mons et que le PS, bureau directeur en tête, n’a jamais eu qu’une idée : brader le passé et entrer dans le système libéral, comme le fait Manuel Valls sans complexe.
La Suédo-kamikaze est inédite. En se séparant de la gauche, la majorité perd son bouclier qui fut efficace dans un passé récent. Elle va se mesurer, non pas au peuple excédé, mais à ses représentants frustrés de ne plus avoir l’enveloppe fin du mois au fédéral.
Hélas, pour une éventuelle aile gauche du PS qui se réveillerait, le parti est verrouillé de l’intérieur et même dans l’opposition, ce n’est pas demain que des militants sortiront de leur sommeil pour demander des comptes. Nous n’avons ni Montebourg, ni Hamon en Belgique.
Que va-t-il se passer quand les Suédois passeront les bornes au point que la FGTB protestera dans la rue, si elle ne veut pas perdre des membres ?
Di Rupo gardera-t-il le ton mesuré qui le fait tant aimer des plus de soixante ans, des patrons et du club Lorraine ?
Le Ps entreprendra la même politique qui fit rentrer les socialistes dans le rang, après s’être aventurés dans le Mouvement Populaire Wallon. Il sabotera les initiatives trop à gauche à l’intérieur du syndicat, puisque tous les dirigeants sont socialistes.
Ce ne sera pas par des grands cris et de grands gestes qu’on fera taire les esprits échauffés, mais par de petits assassinats entre amis.
Je suis loin d’accorder mon soutien à la Suédoise. Cette coalition homogène, enfin plus homogène qu’elle ne le fut jamais, n’est pas crédible parce que déséquilibrée. Mais c’est la première fois que la Belgique va quitter le consensus mou sans ambition et sans envergure, pour une droite dont les projets feront hurler les travailleurs, mais qui aura le mérite de sortir du bois les Michel et compagnie, et de les montrer tels qu’ils sont, sans leurs amis socialistes, une sorte de travail sur fil de fer laissant par terre le balancier. Voici venu le temps des acrobates de septembre.
Je ne veux pas sous-entendre que le PS empêchait une politique de droite par son contrepoids, puisque c’est un parti de droite comme les autres, mais c’est le seul qui s’appuie et qui joue sur le malentendu de ses électeurs qui croient voter à gauche. Ce parti est ouvert à toutes les réformes d’un capitalisme des plus conventionnels (la preuve est faite avec le gouvernement Di Rupo), sans cesser d’avoir un œil sur le dosage entre mécontents et favorables pour ne pas trop se faire remarquer aux affaires et réussir l’élection suivante.
Il se pourrait même que le PS se montre sous son vrai jour dans son nouveau métier d’opposant. Ce n’est pas gagné d’avance pour lui de faire la politique de Hollande et de ne pas être aux affaires.
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1. Pour l’heure « ça profite » à personne !