Ne travaillez jamais !
Tandis que Michel et Peeters poursuivent leurs palabres avec la droite belge, de nouvelles dispositions contraignantes fuitent grâce à leur capacité d’ouvrir ou de fermer le robinet d’une certaine information. Ainsi, sans frais de sondage, ils peuvent se faire une opinion sur « un peuple passif et heureux de l’être » qui ne demande qu’à régler l’ardoise à condition qu’on lui fiche la paix.
Sauf, que même avant de monter le gouvernement et le discours inaugural, des grèves ont déjà eu lieu, ce qui est une première dans l’histoire des travailleurs, puisque des rassemblements de mécontents n’ont démarré que sur les rumeurs qui ont fuité.
À la décharge des négociateurs, les mouvements seront dorénavant soutenus, sinon suggérés, par le PS dans l’opposition, la FGTB ayant corollairement retrouvé des couleurs.
Qu’est-ce que cela signifie ?
Que le gouvernement Di Rupo a amorcé la pompe à fric pour renflouer l’État et que les autres vont l’actionner. C’est-à-dire qu’ils offrent majorité et opposition le spectacle d’un consensus vis-à-vis de la future politique de JC Juncker qui elle-même est la continuité de celle de Barroso.
Le pragmatisme est la règle générale. Tout le monde suit le courant produit par les mêmes qui jurent qu’ils ne peuvent faire autrement. Alors, qui mène la danse, sinon le monstre mou d’une mondialisation exécrée ou vénérée, mais que l’on suit, comme un toutou son maître et alternativement, comme le maître suit son toutou.
Or, que voit-on ?
Un changement considérable dans les progrès de fabrication des biens, une formidable capacité à construire tout et n’importe quoi, une lente et irrésistible vocation des producteurs à dégrader puis à détruire l’environnement.
Prenons le cas de la Belgique.
Malgré un taux de chômage qui ne cesse d’augmenter, une incapacité des jeunes à trouver un emploi convenant à leurs capacités diverses, les immatriculations de véhicules augmentent, chacun peut manger, s’équiper, se loger, prendre des loisirs, etc.
Même si le nombre de largués au bord de la route est conséquent où voit-on que la capacité de production est atteinte, sinon dans le fait que ces largués deviennent des sous-consommateurs ?
Il y aurait bien une main-d’œuvre de trop pour une production suffisante. Espère-t-on créer avec cette main-d’œuvre en surnombre une industrialisation supplémentaire à ce qui existe ? Et pour produire quoi ? Et à vendre à qui ?
Plutôt que d’infliger des sanctions inutiles aux chômeurs, de contraindre les vieux à quasiment mourir de faim avant de mourir tout court, pourquoi ne pourrait-on pas imaginer une société heureuse dans laquelle il y aurait de moins en moins de gens qui travailleraient, mais qui produiraient suffisamment pour l’ensemble de la population ?
Je vous vois rigoler et me traiter de Jeanfoutre.
Vous avez une meilleure solution pour éviter de sombrer dans une société ou le lumpenprolétariat oisif est égal, voire supérieur en nombre aux « forces productives » ?
Vous vous rendez compte de ce qui arrivera le jour où cette majorité en prendra conscience, et que « ce peuple passif et content de l’être » ne le sera plus ?
Premièrement les travailleurs seraient volontaires et auraient des compensations de différentes natures ; deuxièmement l’oisiveté ne serait pas la mère de tous les vices, mais de toutes les formes du génie qui gît dans la plupart d’entre nous sans trouver l’occasion et les moyens de se matérialiser. Seule une infime partie de gens vit à son aise comme une plante, végète et meurt sans aucune perspective. Enfin, pourquoi voit-on tant d’artistes et d’inventeurs croître et prospérer à l’abri des familles bourgeoises dites parasitaires, parce que ses membres ne doivent plus travailler pour vivre ! Parce que l’être humain est naturellement porter à avoir une activité qu’il aime, au contraire d’aujourd’hui où le travailleur est contraint à un travail répétitif qu’il ne peut pas aimer, qui le brime souvent et qui empêche sa nature – peut-être même beaucoup plus riche intellectuellement que celui qui l’emploie – à faire quelque chose de surprenant et souvent beaucoup plus utile à l’ensemble de la société.
Avant ses désillusions et son suicide, le philosophe Guy Debord avait dans la création de l’IS (Internationale Situationniste) émit quelques théories surprenantes, hors du temps et surtout de son époque (les années 50-60). J’ai retenu quelques concepts, quelques idées phares, quelques phrases inquiétantes et mystérieuses à la fois. Parmi celles-ci, peut-être la plus célèbre de toutes est restée dans les mémoires : « Ne travaillez jamais ! ». Quand on y pense, il y a du sens, dans cette phrase là. C’est l’idée d’une grève générale en grand qui remettrait toutes les valeurs en question et qui forcerait MM. de la droite et de la gauche de changer leur fusil d’épaule pour se flinguer eux-mêmes ou réfléchir à la possibilité d’un autre monde.