Multiplex pour multicons
Nous assistons peut-être à la fin d’un dernier moyen pas cher de partager ensemble un spectacle : celui d’occuper un fauteuil dans une salle de cinéma.
Curieusement, ce sont les salles multiples qui auraient dû prolonger l’aventure cinématographique, qui seront parmi les premiers fossoyeurs d’un 7me art vu collectivement. Autre phénomène, ce seront les salles dites d’art et d’essai qui survivront et retarderont, en tout cas, la fin de l’aventure.
Les techniques de voir un film récent, comme le home cinéma, ont fait perdre des spectateurs. C’est surtout l’ordinateur de bureau, branché sur un écran large (certains sont d’une taille appréciable), ayant de multiples fonctions et donc beaucoup moins cher que le home cinéma trop spécialisé, qui est le véritable concurrent.
Le PC complété par les tablettes et autres écrans portables pourraient porter un coup fatal à l’exploitation des salles.
Un utilisateur de la Toile un peu averti n’ignore pas les sites de « pompage » des films les plus récents. Licitement sur abonnement ou illicitement par des recherches simples, l’utilisateur peut mettre dans la mémoire des plus modestes ordinateurs, des films dont certains ne sont même pas sortis ! Il peut faire son cinéma quand il le décide. Pour peu qu’il ait branché deux bons amplis, le tour est joué.
Un habitué des salles, a pu se rendre compte de la dérive commerciale de ces endroits publics, pas toujours fréquentés par des gens respectueux des autres et de l’environnement. Le remue-ménage pendant les projections, les portables qui s’allument et parfois ne s’éteignent pas pendant de longues minutes, l’agressivité des utilisateurs quand on leur demande de les éteindre, les pop-corn qu’on mastique parfois bruyamment, l’absolu sans gêne des groupes qui s’envoient des blagues et ne restent pas en place lors des séances, les réactions bruyantes des plus immatures, le décor quasiment de guerre civile quand on rallume au spectacle des déchets, sachets éventrés, frites écrasées, etc., tout cela fait en sorte que souvent on regrette de s’être fourré dans ce guêpier.
Ces inconvénients sont de loin supérieurs aux quelques radotages de vieilles femmes sourdes, aux bruits de leur râtelier à chaque déglutition, dans les cinémas d’art et d’essai. Ah ! qui dira jamais le doux silence des entractes, l’absence de publicité et le charme appréciable d’une conversation à voix basse en attendant que la salle soit plongée dans l’obscurité !
Les ensembles multiplex permettent au curieux une nouvelle approche sociologique d’une société de consommation en pleine activité ludique et masticatoire.
On y recense les ravages dans l’éducation des victimes elles-mêmes, gagnées par la commercialisation totale.
Les propriétaires de multiplex se font du pognon avec tout. Ils exploitent avec la vente des bonbons et du pop-corn, la débilité croissante du spectateur en mettant à l’écran des navets de tous genres, de la violence à la guimauve. On y sent monter une grande bêtise générale qui descend de l’écran pour y remonter, dans une sorte de va-et-vient entre le spectateur et le film.
C’est un boomerang qui finira par péter à la gueule de nos businessmen et de nos hommes politiques, lorsqu’ils auront réussi leur coup et fait de nous des imbéciles à vie. À moins de nous parquer comme des bœufs dans des baraques encore plus grandes, du type « mille vaches », pour nous filer des spectacles halloween et des séries musclées, je me demande ce qu’ils feront, quand le peuple ruminant ne regardera plus passer les trains et qu’il faudra le calmer par autre chose.
A se demander si les voyous qui nous dirigent, n’iraient pas jusqu’à remonter des camps de concentration avec les tôles rouillées des usines vides, en séance forcée, pour des lavages de cerveaux aux films américains de propagande. En cas de grosses émeutes, ce serait la réponse logique de leur démocratie !