Vue du Pont Adolphe.
Le temps se gâte entre le Luxembourg et le reste de l’Europe.
Pourtant légalement le Luxembourg n’a rien à se reprocher. C’est donc que les lois européennes sont mal faites, puisque les citoyens de ce minuscule État ont le revenu le plus haut du monde par habitant et ils doivent cette bénédiction des dieux, aux charmes d’une législation très compréhensive pour les plus riches. Du coup, les holdings, les sociétés tentaculaires, les fortunes à placer se ruent sur cette enclave bienheureuse, au milieu des ruines et de la pauvreté qui gagnent le reste de l’Europe.
Marine Le Pen a senti l’oignon. Elle demande la démission de J-C Juncker, le nouveau chef des Commissaires européens, ancien premier ministre de ce duché d’opérette et virtuose du maniement des lois et règlements de Remich à Vianden.
L’argumentation de Dame Le Pen ne manque pas de pertinence. Comment a-t-on pu placer à la tête de l’Europe l’ancien magouilleur du Pont Adolphe ? Ce n’est pas parce que Juncker a franchi la Pétrusse, comme César franchit le Rubicond, qu’il faut que le bruit de son exploit retentisse de Dublin à Athènes !
Deuxième argument : les Luxembourgeois, plus riches que Crésus par tête de pipe, ne se sentent-ils pas gênés d’étouffer du bon fric dans une tirelire qui fiscalement devrait revenir aux États dans lesquels les citoyens sont impécunieux, en partie à cause d’eux ?
Comme dirait un colonel à la retraite de mes voisins « Quand on aime on ne compte pas. Angela Merkel aime l’Europe, Juncker aussi. Donc, ils s’aiment, CQFD. Et les amoureux se foutent des autres… ».
Voilà le temps qui se gâte pour les multinationales championnes de l’optimisation fiscale. On vient d’en débusquer un paquet au Grand-duché. Ce qui était toléré quand les ronds entraient facilement dans les porte-monnaie, devient insupportable, un peu comme les parachutes dorés et les stocks options des grands patrons qui prêchent partout la déstructuration du modèle social et s’envoient en l’air de la starlette dans les palaces.
Á côté des mirliflores, restent stoïquement dans la course l’ancienne noblesse et la bourgeoisie des champs qui ont su se reconvertir dans les bières et alcools divers, les laboratoires à dorer les pilules et autres extravagants business porteurs.
C’est que nos comtes, vicomtesses et marquises n’ont pas tous dérouillé dans la honte de vendre leur château. Faire la manche avenue Louise, dans la tourmente où la plupart ont tout perdu, n’est pas leur fort. Il n’y a pas péril. À l’heure du déjeuner, Dom Pérignon donne toujours le bénédicité. Madame collectionne les sacs Hermès, sur le temps que Monsieur se la fait allonger de cinq centimètres chez un chirurgien esthétique, et en dépit de tout, paroissien fidèle de la paroisse du château, tradition oblige.
La Belgique a encore du gras dirait Joni Ernst. Quoique la dame ne parle pas du tout de ce gras là. Ce serait plutôt celui qui tient aux os des pauvres avec les tendons et les peaux.
« Références » un magazine de placement professionnel a trouvé intelligent de faire une sorte de palmarès des plus grosses fortunes de Belgique, à seule fin de décourager sans doute les demandeurs d’emplois ?
Justement le livre "De 200 rijkste Belgen" ("les 200 Belges les plus riches") de l’économiste Ludwig Verduyn a été publié en néerlandais en 2012. Le palmarès du fric belge a été publié pour la première fois en 2000. Depuis Verduyn a mis sa liste à jour. Loin de souffrir de la crise, ces Belges chouchoutés par les gouvernements, cajolés par la cour, ennoblis ou ennoblis davantage par Albert et Philippe, se sont bien goinfrés pendant et après 2008-2009.
Mais la voilà le Belgique qui compte, tas de besogneux mal peignés !
Alors, vos cris de douleur sous les coups de Karel Michel et de Bart d’Antwerpen, comme dirait l’ineffable Eyskens « ce qui est excessif compte pour du beurre ».
Que ces héros hyper médaillés, ces parangons du Gotha Belgium, ces exemples admirables, ces images pieuses vivantes, ces moralistes dignes de Saint-Augustin se ruent à la cour du bon Duc de Luxembourg, avec les bons vivants de la passe à 10.000 €, quoi de plus naturel ?
La force-vive de la Belgique triomphante n’est quand même pas responsable de notre antipathie pour Juncker, bande d’envieux !