Je suis Charlie.
Nous sommes entrés dans une aire particulière de connivence générale dont ceux qui sont morts à Charlie-Hebdo auraient bien ri. Les grands rassemblements n’ont jamais conduit qu’à l’unification et la généralisation de la connerie.
Période délicate. Les assemblées défendent la diversité d’expression à condition que tout le monde pense de la même manière et en même temps.
Les pires détracteurs des rédacteurs de Charlie-Hebdo sont donc groupés autour des cercueils avec les frondeurs et les sympathisants, tous les stylos sont levés pour défendre une liberté que certains ne défendaient guère. Ne nous faisons pas d’illusion, ils ne la défendront pas mieux demain.
Pour l’heure, on en est aux éditoriaux vengeurs et à la pensée unanime.
Prenons-en bonne note, sans trop nous illusionner sur ceux – de bonne foi – qui portent des pancartes. Le professeur Choron aurait été ravi d’en détester la plupart, si le bougre n’était pas mort et oublié depuis longtemps. On ne peut pas être contre toutes les processions. Il y en a toujours eu une à laquelle on ne pouvait résister.
Quand Charlie cherchait la faille sous les rires, il défendait presque seul, la fameuse liberté de la presse. Sous cape, lors de l’incendie du local, certains se frottaient les mains.
Bien sûr que personne ne voulait le carnage et que tout le monde regrette que ceux qui vivaient de la satire ne soient plus. Évidemment, on verra Charlie-Hebdo dans les kiosques la semaine prochaine. Reste que pour un hebdomadaire peu apprécié par la droite, l’unanimité est suspecte.
Puis, chacun retournera à sa petite popote personnelle. L’actu passe vite. Une info chasse l’autre. L’égoïste est sans mémoire. On sait que beaucoup de journalistes le sont.
On ne dira rien des croyances qui sans avoir permis ce désastre, auront contribué dans une large mesure à répandre le poison qui embrume les esprits faibles, falsifie l’histoire et se moque des réalités.
On s’est inventé un mot d’ordre. Il n’est nul besoin d’être un produit cornaqué par les autorités. Les journalistes savent se tenir. Ils sont secrètement pour taire les vérités qui ne sont pas bonnes à dire. Et si on poussait certains dans leur dernier retranchement, ils seraient encore un certain nombre à dire que les dessinateurs de Charlie-Hebdo étaient allés trop loin, alors qu’ils ont été, sous le couvert de la plaisanterie, les seuls défenseurs de la laïcité.
Ils sont morts pour cela, c’est un titre de noblesse que beaucoup de stylos levés n’auront jamais.
Tandis que cette société proclame que la laïcité est le ferment qui associe les peuples, son interprétation par les politiques favorise des laisser-aller, des complaisances et des mesures apaisantes en faveur des croyances. Elle favorise des croyants aux songes creux qui achoppent finalement sur des idéologies. Une d’entre elles vient d’atteindre l’apologie du meurtre par ses exaltés. Demain n’importe quelle autre sublimation du mythe de l’être suprême pourrait suivre l’exemple. Évidemment, personne n’est responsable. La connerie n’est affaire que des cons. Ces esprits médiocres ne sont d’aucune manière des fidèles. La religion musulmane n’a pas la logique de la religion catholique, pourvoyeuse, elle aussi, d’assassins. Cette dernière a pardonné les pires crimes de ses inquisiteurs, au nom de la grâce divine, mais a fini par les assumer.
C’est justement ce que Charlie Hebdo détestait le plus qui s’est produit, l’irresponsabilité de la religion, lorsqu’on commet des crimes en son nom !
Même si ce sont des charlots, des immatures, des demeurés qui laissent une carte d’identité sur le plancher du véhicule volé, ils n’en sont pas moins des tueurs à la gloire de leur dieu.
Ça ne gêne personne qu’ils lisent le même coran que le plus pacifique des musulmans, qui, je veux bien l’admettre, est un croyant respectable. Les guignols sanglants sont des exceptions. Le malheur, c’est qu’ils sont perçus comme issus de la communauté des croyants, et ça fait tache.
Toutes les religions portent en elles des germes de violence.
Ça m’embête foutrement de l’écrire, parce que, le faisant, c’est une sorte de coup de pouce que l’on fait aux nationalistes les plus imbéciles et les concepts les plus étriqués du repli sur soi. Et pourtant, toutes les politiques pluriculturelles sont des échecs, parce qu’elles calent sur les religions, quoiqu’elles taisent le principe de laïcité qui devrait les animer. Les ministres de la culture, complices ou imbéciles, nous ont conduits là où nous sommes et où personne ne veut être.
La religion la plus pacifique a son radicalisme et d’autres part, le concept même du capitalisme l’a aussi. Le mélange forme un cocktail détonant qui n’a pas fini de surprendre. Que serait Deach et Al-Qaïda sans le dollar ?
C’est peut-être Houellebecq qui a raison.
Nous sommes entrés dans une période de soumission à l’Islam. D’ici à ce qu’un président de la république installe un tapis de prière à l’Élysée…