Gros câlin, beau Brummel et les autres.
On reproche à Kubla et Dedecker de vouloir s’enrichir, par tous les moyens. Mais n’est-ce pas le premier principe de la société qu’ils défendent ?
Mettez-vous à leur place !
Le MR, leur parti, a tellement fait pour diminuer le pouvoir d’achat des pauvres, eux-mêmes y ont mis tant d’enthousiasme, qu’ils savent ce que c’est d’être sans argent dans un système libéral.
Valeur morale contre valeur monétaire, presque tous les politiques de droite ont choisi le fric. Ce qui ne veut pas dire que la gauche élève une colonie de Robin des Bois à Namur.
Bien sûr, « les valeurs sûres du pays » s’insurgent, tempêtent, protestent quand un malotru le leur fait remarquer. Pour les confrontations en public relayées par les caméras, les journalistes prennent grand soin de sélectionner les intervenants. Il y a toujours un risque de dérapage, en général ça se passe bien. L’intervenant est du même monde feutré et poli, un peu simple, sincère, sinon on lui coupe le sifflet. Quand c’est trop voyant, c’est le journaliste qui est sanctionné discrètement par son journal ou sa chaîne.
Pour couper court à tout, il suffirait de montrer le représentant de la Nation, en général avocat, dans son intérieur ou dans sa bagnole, en soirée-coktail, dans sa maison de campagne, en vacances, etc. (cela s’est déjà fait), alors qu’à peine il a travaillé un an ou deux dans le privé, son train de vie, son standing, son patrimoine, il le doit essentiellement aux citoyens et ses extras à la clientèle que sa situation en vue lui procure.
On pourrait appeler les gens qui fréquentent les parlements : les bras longs. Ils se divisent en trois catégories, ceux qui en profitent, ceux qui en profitent et en font profiter les autres, enfin, crème du panier, ceux qui n’en profitent pas et en font profiter les autres.
Alors, le fameux « désintéressement » de Delpérée peut attendre…
Mis à part les couplets sur l’ambition, l’amour du pouvoir, etc, il y a fondamentalement le rapport de l’élu à l’argent. Cet amour de posséder l’électeur et le fric que l’électeur lui dispense est fort. Certains n’y résistent pas. Cumul des mandats, cabinet d’avocats, sombres combines, carnets d’adresses, tout est lié.
Si ce n’était pas le cas, vous verriez les indemnités et les à-côtés fondre de manière significative. Vous en avez déjà croisé un qui trouve que - dans la situation présente - il conviendrait de revoir à la baisse tout ce que le citoyen débourse pour le standing des gens de pouvoir ?
L’argument selon lequel on les paie bien pour ne pas qu’ils nous volent, ne tient pas debout. Parce qu’ils nous volent quand même. La preuve se trouve dans les derniers faits-divers. Et puis, c’est déjà les ravaler tous, à ce que certains sont déjà.
Ce choix du fric roi dénonce aussi la peur de tomber dans la pauvreté, comme la plupart des administrés. Sur les estrades, quand ils pérorent, ils ont devant eux l’exemple à ne jamais suivre. Ce spectacle les renforce dans les sentiments qu’ils cachent. S’ils sont les meilleurs, c’est parce qu’ils sont comédiens hors pair, avant tout.
Ils préfèrent être malhonnêtes et riches, qu’être honnêtes et pauvres. Ne soyons pas aveugles, la plupart de leurs administrés sont du même avis, sauf qu’eux, ils doivent se contenter de petits larcins à leur portée aux conséquences tellement lourdes que pour eux le déshonneur est synonyme de graves démêlés avec la justice, chômage et opprobres familiaux. Alors, ils restent honnêtes. Les ruffians de grande envergure n’ont même pas la peur du gendarme, surtout quand ils sont pris. Et de fait la police les ménage, fait montre d’une politesse qu’elle n’a guère pour les simples particuliers. C’est que les grands hommes sont petits quand ils peuvent se venger à nouveau au pouvoir.
Ce n’est pas donné à tout le monde de sortir de tôle comme Kubla, le sourire aux lèvres, la mine dégagée de quelqu’un qui n’a rien à se reprocher. Vous avez déjà vu la tronche d’un petit voleur en correctionnelle devant ses juges ? Honteux et fixant le sol, on assiste rarement au triomphe du vice sur la vertu ou alors, un inconscient plastronne qui va payer de six mois ferme de plus sa hâblerie et son irrespect de la justice, tout en étant à quelques grimaces près, dans la même attitude ironique de Kubla sortant de tôle.
Dans le cas d’une personne de « qualité » ayant atteint la notoriété par le suffrage universel, il faut étrangement se tromper sur soi-même ou alors faire un transfert de personnalité pour ne pas s’avouer sans scrupule, hypocrite, bourgeois au fond des tripes, menteur sur le populisme et la lutte des classes, justifier de son droit d’établir une fausse déclaration des revenus, expliquer les carnets d’adresses par une vie mondaine « au service des citoyens », effacer certaines scènes honteuses de sa mémoire et de son cœur, accord tacite, le top-là du maquignon, prévarication, chantage, concussion, toute la gamme enfin, et ressortir blanc comme neige, la Brabançonne sur les lèvres ou pire, l’Internationale poing tendu.
Certes, ils ne sont pas tous ainsi. D’accord !
Mais alors, pourquoi « ceux qui ne sont pas ainsi » cohabitent-ils parfaitement avec ceux qui le sont ?