Les snipers de la vanne et du calembour.
Olivier Maingain, reçu dimanche par Vrebos, a « commis » un mot drôle. Il était certainement prémédité. Maingain devait l’avoir préparé en venant à l’émission, puisqu’il était presque certain que le journaliste allait l’interroger sur Charles Michel et son incapacité à maintenir l’ordre dans son gouvernement, notamment après la Fête du Chant National Flamand (Vlaams Nationale Zangfeest ou VNZ)
Et justement, comme on l’interrogeait sur la dernière sortie des ministres N-VA et à propos de leur leader Bart De Wever, Maingain sortit sa vanne « Chanteur le dimanche et maître-chanteur en semaine ».
Le bon mot en politique est une arme redoutable. Pour bien en user, il faut le faire avec parcimonie. Le bon mot ou le jeu de mots doit être simple, direct et se rapporter à des faits connus. Comme l’anaphore de « Moi, président » de François Hollande que Nicolas Sarkozy parodie à ses derniers meetings, avec des arrêts sur les mots et des mimiques marrantes, si la vanne touche sa cible, c’est évidemment, parce que le « président qui se voulait ordinaire et qui n’aimait pas le capital » a fait exactement le contraire de ce qu’il laissait supposer.
Il y a ainsi un florilège de vacheries qui valent leur pesant de votes.
À une commémo du débarquement de Normandie. Nicolas Sarkozy reçoit Barack Obama. Les photographes mitraillent la poignée de mains. Dans l'opposition Fabius dénonce le coup de com’ "Au moins on verra la différence entre un grand président et un moins grand".
Cibler les imperfections ou les différences est périlleux. Cela peut se retourner contre l’auteur, si c’est mal perçu. Ici, Fabius jouait sur du velours, Sarkozy était l’épouvantail favori de la gauche. Presque au même moment, Xavier Bertrand de l’UMP persiflait : "Le Parti socialiste est un parti sans leader. Bayrou est un leader sans parti. Ils sont faits pour fusionner".
Serait-ce la lourdeur de l’élite belge, les bons mots y sont rares chez nous. Charles Michel se contente de pétiller des yeux. On croit qu’il va en sortir une, c’est raté. Le mot est trop consensuel ou trop haineux. Il n’est pas assez acéré, même s’il est méchant. Il n’atteint pas son but. Par contre Didier Reynders à la haine spirituelle. Il la dose avec un bel esprit et ses vannes portent. Parfois, elles sont trop subtiles et passent au-dessus des gens, ce qui n’est pas l’objectif.
"Ministre c'est bien, mais ancien ministre, ça dure plus longtemps", diraient tous les débarqués du gouvernement, s’ils avaient le sens de la litote de leur collègue français Santini. Mais chez nous, la peur de se faire remarquer lorsqu’il s’agit de disparaître avec le pactole légal, surtout quand il est question de sommes importantes, comme celles qui furent octroyées à la retraite de José Happart, mieux vaut disparaître sur la pointe des pieds. Regardez ce qui est arrivé à la pauvre Du Barry la dernière maîtresse en titre de Louis XV, depuis longtemps oubliée sous le règne suivant. Ne voilà-t-il pas qu’un truand lui vole ses bijoux ! Nous sommes sous la terreur, Robespierre est au pouvoir. Et que fait-elle, la malheureuse ? Elle porte plainte auprès des membres du Comité de Salut Public ! Finalement, c’est elle qu’on va guillotiner.
Alors, vous pensez si Happart à intérêt de la fermer.
Les vannes sont les vestiges d'une époque où le public s’amusait de ses parlementaires. Ils étaient « ses danseuses » à l’instar des vieux messieurs de la Belle époque. Le parlementarisme triomphant, c’est fini. Le spectacle des indemnités et des gaspillages à côté des salaires de misère et de la diète des chômeurs, ne fait plus rire personne.
Mais, quand on a l’esprit de répartie, on se relâche parfois avec un bon mot. De ce point de vue, nos hommes politiques n’en ont pas beaucoup. Ils vous diront tous qu’ils sont réservés naturellement. On pourrait croire aussi, qu’ils sont coincés, en même temps qu’un peu courts sous le chapeau.
Comme l’essentiel c’est d’avoir l’air, plutôt que de l’être. Nous ne saurons pas si c’est de l’humour retenu ou de la bêtise prudente.