Le peu que j’en sais.
Le vrai miracle, ce n’est pas de voler dans les airs ou de marcher sur les eaux : c’est de marcher sur la terre. Cette réflexion date du IXme siècle et est du philosophe japonais Lin-Tsi. Elle est toujours d’une étonnante actualité.
Marcher sur terre, sentir la roche ou le limon sous ses pas, c’est un apprentissage que l’on ne fait plus. Pourtant, c’est au cours de ces expériences que se sent profondément le plus le rapport entre la nature et l’homme.
Mais, au lieu de cela, on nous apprend l’art d’être superficiel et d’aimer le produit de cette superficialité dont le plus accompli, c’est nous !
Nous sommes entrés avec le siècle dans une myriade d’alvéoles, toutes à peu près les mêmes. Nous y avons notre place et notre numéro. L’espace est étroit, le travail est distribué dans d’autres confinements stéréotypés. Les destins sont catégorisés, sauf le détenteur d’un pouvoir particulier qui agit comme une force supérieure et qui dicte à la multitude.
On devine un homme nouveau façonné par une morale de circonstance, à défaut d’une morale tout court, selon des critères tenant lieu de tout : ceux de l’argent et du pouvoir.
Je n’ai pas encore vu un seul élu démocratiquement, un seul maître d’école, un seul prêtre d’une quelconque religion, dire autre chose en 2015.
Et voilà qui est désolant au plus haut point et rend les hommes pitoyables.
Et dire que certains et non pas des moindres, ont pensé que la valeur d’un homme tient dans sa capacité à donner et non pas dans sa capacité à recevoir.
Que donnent-ils ceux que nous élisons : rien ! Ils ne savent que recevoir.
Et cela se voit dans l’évolution de ce monde.
La richesse des uns se nourrit de la pauvreté des autres, font-ils tous, tandis qu’ils s’affairent à nous faire croire qu’ils travaillent pour nous et qu’ils ne pensent jamais à eux. Voilà bien une nouvelle forme d’altruisme, qui s’affiche sans se vivre !
Si je comprends bien Charles Michel, la Belgique suivant cette morale s’en sortira si les riches parviennent à se nourrir davantage de la pauvreté des autres.
Philosophie étonnante, que nous devons essentiellement à la morale tributaire du facteur argent.
Comme on n’a rien d’autres à nous offrir que ce qui ne coûte rien, les élus parlent de démocratie et de liberté, même et surtout à ceux qui partent douze heures par jour pour assumer cette liberté par une obligation, celle de travailler. Alors que cette liberté là n’est rien d’autres qu’un détestable mot qui a plus de valeur que de sens « qui chante plus qu’il ne parle, qui demande plus qu’il ne répond » a écrit Valéry.
À force de se concentrer sur les moyens d’acquérir de la notoriété et de l’argent, les avocats font de la politique pour réussir et les maçons sur l’art de monter un mur pour devenir contremaître. C’est la même logique avec d’autres moyens. L’inférieur est celui qui va vingt ans à l’école pour apprendre ça, et qui abuse de la naïveté de celui qui n’en a été que six.
Dans la conjoncture, sous le joug du despotisme de l’argent, travailler ne serait-ce pas, en définitive, perdre son temps ?
Les vrais héros de notre temps, ne sont-ce pas les chômeurs volontaires ?
Ainsi exprimée, cette réflexion est révolutionnaire.
Elle bouleverse tout ce qui se dit et se fait dans une société dont nous nous apercevons qu’elle est élitiste, inégalitaire et qu’elle gâche la vie du plus grand nombre, allant jusqu’à corrompre les loisirs er relancer le citoyen jusque dans ses heures de repos.
Enfin, le peu que j’en sais, c’est à mon ignorance que je le dois.