Blatter ou l’amour du pouvoir.
L’homme est un être incompréhensible. On l’a bien vu lors de la réélection de Sepp Blatter à la présidence de la FIFA. Qu’est-ce qu’il a encore à prouver à l’âge qui est le sien ? S’attacher ainsi à un pouvoir archi corrompu, c’est se confondre avec lui, loin de l’image du justicier qu’il se donne.
Incompréhensible signifie qu’une réalité résiste à la compréhension.
Tout être « normal » se contenterait des sommes amassées au long d’une présidence depuis 1998. L’âge largement au-dessus de la mise légale à la retraite, Blatter se la coulerait douce et rédigerait ses mémoires en prenant de la distance.
Le pouvoir est une terrible maîtresse. On ne s’en sépare qu’entre quatre planches ou entre deux gendarmes. La rupture inflige de terribles souffrances d’amour propre.
« Le malheur, c’est de quitter sa chambre » dit Blaise Pascal. Sepp Blatter a quitté la sienne sans avoir le pressentiment que les honneurs, le pouvoir, l’espèce d’autorité que la profession suggère, allaient à tout jamais l’empêcher de la retrouver.
Au regard des vieux briscards de la politique belge, Sepp Blatter n’est pas un cas unique. Avec la gourmandise des débutants, nos vieux de la vieille sautent toujours sur les interviews. Ils sont présents dès qu’il y a une estrade. L’appétit du pouvoir est encore là jusqu’à un âge avancé. Les emplois les plus rémunérateurs les plongent dans un rut animal. Juste avant le portail du cimetière où dorment leurs semblables irremplaçables, l’éclat de leurs fausses dents (Vrebos recevant Louis Michel) nous les montre carnivores !
À cette obstination des vieux, souvent « les jeunes » s’insurgent. Ils attendent depuis trop longtemps leur tour et ils se sentent frustrés. Sepp Blatter pour un 5e mandat, a dénoncé une « haine, venue non pas seulement d’une personne à l’UEFA (Platini), mais d’une organisation, l’UEFA, qui n’a pas compris qu’en 1998 je suis devenu président ».
Blatter est donc président à vie ! Il a la mentalité du chef coutumier africain. Dès l’instant de la nomination, il incarne la FIFA. C’est lui tout craché. Le caractère principal d’une présidence n’est-il pas d’être renouvelé ?
Le cinquième mandat (celui qui est de trop) n’était pas suffisant pour Blatter, il fallait qu’il laissât derrière lui une zizanie entre sa clientèle de délégués corrompus d’Afrique et d’Asie et les fondateurs de la FIFA : l’Union Européenne de Foot !
Son « je pardonne à tout le monde, mais je n’oublie pas » est bien la pire des choses qu’un président puisse dire. Il jette l’anathème sur Platini.
Un des traits qui caractérise l’homme de pouvoir est son manque d’élégance, son côté mesquin et rancunier dans les petites et les grandes choses ! Il est prêt à tout quand son prestige et son pouvoir entrent en jeu. Le pardon sans l’oubli s’appelle du ressentiment.
La matière et l’esprit sont incompréhensibles l’un à l’autre, c’est ainsi que bergsonien sans le savoir, Blatter est incapable de se poser la question de l’intérêt personnel d’une présidence à l’âge qu’il a. L’homme a fait l’échange d’une part de bonheur qui lui restait, contre une part de gloire supplémentaire, comme si cette gloire était extraordinaire, alors qu’elle n’est que la poudre aux yeux d’un vaniteux. À moins que le bonheur pour lui soit la gloire, auquel cas cet homme a toujours été pitoyable depuis le début.
Enfin, dernière supposition, sa présidence n’est que la couverture pour que n’éclatent pas d’autres scandales. Ses dossiers risquant d’exploser, Blatter serait une mère poule couvant des poussins empoisonnés qui lui feraient courir un danger important s’il renonçait à les couver.
Alors, la démarche de Platini aurait toute son importance. L’attachement des Fédérations d’Afrique et d’Asie à Blatter, en dirait plus long que la police suisse et le FBI réunis.