Entre le « moi » et le »ça ».
Il est resté de Lin-Tsi, philosophe chinois, une phrase très juste « Le vrai miracle, ce n’est pas de voler dans les airs ou de marcher sur les eaux : c’est de marcher sur terre. »
Beaucoup de gens, près de treize siècles plus tard, ne s’en sont pas encore aperçus !
La valeur d’un homme ne tient pas dans sa capacité de recevoir, mais de donner. À force de nous émerveiller de choses insignifiantes et croire que ceux qui vivent du travail des autres en ont parfaitement le droit, nous devrions nous alarmer de notre futilité.
Notre présence est destructrice d’espèces animales et végétales, nous n’aurons de cesse qu’après avoir détruit la nôtre. D’autres grands prédateurs se sont éteints bien avant que nous soyons en mesure de les remplacer. Ils ont disparu à cause de leur trop grand appétit. Nous disparaîtrons sans doute à cause du nôtre, mais aussi du nombre toujours croissant de bouches à nourrir. Nous avons donc une double raison de disparaître à l’imitation de nos prédécesseurs.
Pourtant, quand on marche dans la campagne par un clair matin comme parfois la nature est prodigue, que l’on s’assied sur une souche pour manger du pain frais craquant et que l’on regarde autour de soi, tout semble possible et on ne croit pas la fin proche de ce qui nous entoure.
Et on regrette l’ennemi intérieur, cette part de nous-mêmes qui échappe à notre contrôle et qui prospère en nous en intrus insolent.
On dirait que mon cœur et mon esprit n’appartiennent pas au même individu, a écrit Rousseau.
Est-ce que ceux qui sont aux responsabilités, les Michel, les Bacquelaine, les Reynders éprouvent aussi cette dualité intime ou bien sont-ils pétris de certitudes de la justesse de leur raisonnement et de leur morale, infaillibles et uniques ? Ne sont-ils qu’un ? Celui que l’on voit et qui nous fait horreur !
Si c’est le cas, je les plains.
Je me suis rarement perdu de vue, dit Monsieur Teste, je me suis détesté, je me suis adoré ; puis nous avons vieilli ensemble.
Peut-on appeler « intelligence » l’intelligence attelée à sa seule ambition, à une seule « certitude » ?
On en revient aux prédateurs du silurien : à manger tout le monde et tout le temps, on finit par mourir de faim, seul au milieu d’un désert.
Nous y entrons. Bienvenue chez les cactus.