La valse des patineurs
Les électeurs en ont de belles à raconter entre voisins ! Ils ont cru que le gouvernement Michel était là pour résoudre leurs difficultés. On se serre un an ou deux la ceinture, puis on retourne à la Belgique Joyeuse de 1958.
En réalité, il y avait un accord en mai 2014 pour rendre aux patrons la taxation « supportable » et redonner du goût pour embaucher, étant entendu que les salaires seraient durablement « resserrés ». Si cela ne suffisait pas, les tripiers de la rue de la Loi s’en prendraient au domaine social.
L’ennui, le CD&V est un parti bipolaire. La partie dirigeante est en harmonie avec le libéralisme « avancé » de ses partenaires. La partie militante est construite des reliquats des organisations ouvrières cathos et de l’électeur « moyen ». C’est dire si la poudre aux yeux est nécessaire pour l’adhésion aux objectifs économiques de Charles Michel, de la base du CD&V.
Le lien secret entre des partis est la poursuite de la Belgique Joyeuse rewritée façon pauvreté « digne », avec son roi, sa loi fédérale et le charme de ses cinq gouvernements dans la Belgique de toujours. Et ça, c’est le projet de la bande des trois (CD&V, MR, Open VLD) contre le « grand ami » la N-VA, le vilain petit canard anversois.
Mais en attendant, le CD&V est en porte-à-faux dans la romance Michel-De Wever.
La nouvelle bisbille est un machin qu’ils appellent la « tax shift » (en musique on pourrait appeler ça un glissando).
D’abord l’animal : la tax shift veut dire "glissement fiscal". On décharge d’un certain poids les taxes sur le travail, par exemple, pour le refiler à un autre poste, comme le patrimoine, les revenus du capital ou les revenus immobiliers. On glisse très large sur une patinoire olympique. Tous les moyens de pomper le fric des contribuables sont visés.
Les patineurs du MR et de la N-VA patinent pour l’équipe leader sponsorisée par les banques, le CD&V (pas toujours) défend les couleurs des tocards de la Belgique travailleuse.
Le reste se lit dans nos « hyper journaux ʺneutresʺ de droite exclusive » : "Pas question de nouveaux efforts en 2015", a averti M. Van Rompuy. Une sortie qui n'a pas plu au député Luk Van Biesen (Open Vld) alors que la commission débat du contrôle budgétaire… ʺ.
Eric Van Rompuy a appelé à un tax shift budgétairement neutre en 2015, passant par une baisse des charges patronales (de 33 à 25%), puis dans un deuxième temps, une revalorisation du salaire net via une baisse des contributions des travailleurs, une compensation partielle via la TVA, le développement de l'écofiscalité et une taxation des plus-values, non pas sur les PME, mais sur les gros spéculateurs. De nouveaux efforts sur les finances publiques ou la Sécurité sociale peuvent faire l'objet de "discussions" en 2016 mais "pas dans le cadre du contrôle budgétaire ni à l'occasion du tax shift".
Ce n’est pas ainsi que nos deux compères (Michel et De Wever) voient les choses. Les taxables, victimes du Tax shift ne sont pas les mêmes.
Décidément, devenu moins farouchement libéral que les rosés, depuis que son frère n’est plus le pape à l’Europe, Eric Van Rompuy a aussi regretté le discours de certaines organisations patronales dont le VOKA.
Van Rompuy veut se faire au moins une législature après celle-ci. Il voit bien que son parti est mal barré, parmi les grands admirateurs de la mondialisation et du laisse-faire. Il n’a pas envie de prendre une retraite anticipée. Il n’a pas le petit Chastel qui lui sert de marchepied comme Michel junior. Quand le gâteau se rétrécit, les forts bouffent la part des faibles. Ce n’est pas tant à ses « amis » de la majorité à qui il s’adresse, mais à ses électeurs. Il espère que ce sera compris dans son parti par Kris Peeters, qui est dans le même cas, mais avec une longueur d’avance, dans la course au self service.