Athéna ou Médée, Madame Béa ?
Inconscience ou cynisme ? Quand Béatrice Delvaux s’interroge sur le gâchis à propos de la Grèce qui aura été possible dans l’Europe actuelle, sans une seule critique sur le fonctionnement de l’économie mondiale, on reste confondu. Une scène européenne qui se met aujourd’hui au bord d’un précipice écrit-elle, sans mettre un nom sur ce qui l’y pousse.
Bref instant de découragement, vite repris, puisque l’Europe lui apparaît toujours comme une terre-refuge.
Non seulement elle ne voit pas le gâchis produit par l’économie et le productivisme aveugle, mais encore elle oublie les 600.000 chômeurs que compte ce pays et ceux qui sortent du chômage… pour entrer au CPAS, 23.000 en janvier, en Wallonie. Malgré tout, elle exhorte les Belges à tout faire pour pérenniser cet ensemble construit autour d’un ensemble de valeurs « l’égalité, la solidarité, la prospérité, le respect des droits et des libertés des hommes ». On croit rêver !
On ne devrait pas le lui dire, mais les jeunes qui s’engagent inconsidérément chez Daech, c’est en partie à cause de ce discours, l’autre étant l’habileté du croyant à transmettre sa foi à l’apprenti djihadiste.
Plus fort encore, elle ose écrire que « L’espace européen reste un havre par rapport à ces autres coins du monde où la pauvreté, le terrorisme, la dictature idéologique ou de conscience sont à l’œuvre. » Comparaison n’est pas raison, vouloir faire croire que nous sommes des privilégiés dans un paradis, c’est se moquer du monde, même si, évidemment, notre « enfer » est moins affreux que le vaste camp de concentration que constituent les territoires conquis de Daech.
La dame persiste à nier l’évidence « L’Europe, au bord du précipice ? Oui, mais pas pour des raisons économiques et financières. En cas de « Grexit » – de plus en plus inévitable apparemment –, le reste de la zone euro ne devrait pas basculer dans le chaos. » Dans le fond, elle se fiche de ceux qui travaillent et encore plus de ceux qui ne travaillent pas. Elle serait sensible au malheur du système bancaire qui capoterait à cause de la Grèce, mais elle est indifférente au chômage de masse et à l’accroissement de la pauvreté de ses compatriotes.
Pendant que nos journalistes deviennent nos amuseurs, quand ils ne nous conseillent pas les crèmes solaire pour lutter contre la canicule, personne ne voit le vrai péril : la Grèce hors de l’euro, après le référendum de dimanche (s’il a lieu), sera le symbole de la punition des gauchistes grecs entêtés et irresponsables, emblématiques du « populisme » et de la gauche européenne (lire le discours de N. Sarkozy contre Tsípras). Il consacrera la victoire de l’austérité contre la croissance, des riches contre les pauvres, des égoïstes contre les travailleurs.
Ce départ de la Communauté sera interprété comme la victoire de l’idéologie libérale sur la démocratie d’une Europe qui ne respecte pas le vote des électeurs, quand celui-ci ne partage pas sa vison.
Certes, l’Eglise grecque et les armateurs échappent toujours à l’impôt, le cadastre n’existe pas et la corruption est « grandiose », mais le PIB grec par habitant est supérieur au mexicain ou au brésilien.
L’Europe doit choisir entre le déclin et un nouveau départ sur des projets. Et cette survie ne peut réussir que si on y intéresse les Européens, ce qui n’est pas le cas.
Le Grexit est à plusieurs inconnues. La première concerne les réactions des peuples face à une Europe qui perd volontairement l’un des siens. Les citoyens pourraient exprimer l’envie de rompre avec une certaine forme de démocratie devenue l’incarnation d’un système économique incompatible avec le plus grand nombre. La question des inégalités monte en force dans le débat public. Plusieurs études montrent qu’elles ont contribué au ralentissement de la croissance mondiale.
Enfin, quelle ne serait pas la honte que ce soit le FMI une instance qui n’appartient pas à la zone euro qui sortirait la Grèce de l’UE ! Et c’est le même FMI qui vient de publier une étude qui montre que les inégalités sont l'une des causes du ralentissement tendanciel de la croissance mondiale !
On en saura plus dimanche prochain. Béatrice Delvaux pourrait encore nous gratifier d’un de ses éditoriaux gratinés qui remplit d’aises quelques centaines de conservateurs conformistes, en oubliant que la majorité des lecteurs du Soir ne le sont pas… du moins pas tout à fait !