Où sont les voyous ?
L’évolution de l’économie libérale est telle qu’aujourd’hui on célèbre une certaine forme d’organisation du marché, sans savoir que ce n’est plus la même que celle qui fait toujours référence et dans laquelle les économistes croient toujours.
Si bien, qu’ils défendent, sans le savoir, autre chose avec autant de conviction que s’ils avaient eux-mêmes modifié l’économie. Qu’elle se modifie encore, et vous verriez les mêmes faire croire que cela fait partie de leur stratégie et que tout était prévu.
Parce que sous peine de disparaître, ils doivent suivre le courant, quel qu’il soit et où qu’il les conduise. Les politiques sont dans le même cas. C’est plus facile de sauver sa place en jouant les suiveurs, qu’en dénonçant les dérives.
On en a les preuves, lorsqu’au cœur du désordre financier, les économistes et les politiques ont été à la fois acteurs et victimes des opérations de titrisation, dans le sauve-qui-peut des transferts de risques au sein de la finance globalisée.
Nouveauté des années 70, c’est trente ans plus tard que la titrisation a pris de l’ampleur. À l’aube du troisième millénaire, le système financier échappait aux règles et s’émancipait des régimes politiques des pays concernés.
Pour rappel, la titrisation est un montage financier qui émet des titres englobant un panier d’actifs fait surtout de créances. Les actifs sont ainsi transformés en titres (titrisation), securitization en anglais de la City. Les revenus versés aux détenteurs des titres s’appellent en jargon bancaire ABS (Asset-Backed Securities).
Les ABS qui ont chaviré par défaut de paiement des intérêts en 2008-9 étaient pour la plupart issus des crédits hypothécaires américains.
On en sait les conséquences, les pays concernés faisant payer aux populations le renflouement des banques imprudentes, usant pour cela de faux prétextes (Reynders argumentant sur les pertes d’emplois des personnels des banques pour faire admettre l’opération. Ce qui n’empêcha pas les restructurations et les pertes d’emplois.)
On aurait pu attendre de cette catastrophe, un plus grand contrôle du système bancaire et l’interdiction de ces pratiques. Il n’en est rien, au point que le portefeuille mondial s’est déjà reconstitué de la même manière.
Les conséquences de ces hasardeuses opérations sont toujours d’actualité. Les opérations de titrisation transfèrent la gestion du risque vers des fonds (hedge funds et fonds de pension spécialisés) dont la vocation est purement spéculative, notamment sur les fluctuations de cours des dérivés de crédits. Ces fonds peuvent revendre entre eux ce genre particulier de crédit. Il se répand ainsi dans tout le système.
On voit bien que le principal intérêt est de permettre l‘allègement du bilan des banques des créances cédées, et ainsi de faire rentrer des liquidités supplémentaires.
L’inconvénient c’est l’« asymétrie d’information » (l’émetteur des titres en sait beaucoup plus long sur ce qu’il est réellement en train de vendre, que l’investisseur financier).
Pour dire les choses plus vulgairement, le vendeur peut mettre une « boîte » à l’acheteur plus facilement.
Cette titrisation a d’autres formes très complexes qu’il serait hors de propos d’exposer dans une simple chronique et qui sont en 2015 en train de se complexifier davantage, mélangeant dans des titres structurés de bonnes créances avec de moins bonnes. La « toxicité » de ces titres est diffuse. Personne ne peut évaluer l'étendue des pertes issues directement de la crise actuelle qui n’est malheureusement pas terminée sous ce rapport (Le FMI les a estimées à 1400 milliards de dollars. Ce chiffre est régulièrement revu à la hausse).
Tout cela pour en revenir à l’accord qui condamne l’économie grecque à suivre les directives des banques européennes et du FMI, par l’intermédiaire des ministres des finances, dans un contexte de « casino de jeux de hasard » et d’une complicité généralisée d’un système économique que plus personne ne contrôle !
À se demander si Tsípras a eu raison de faire un accord avec l’Europe, dont les dirigeants sont si proches des voyous de la haute finance, qu’un grexit aurait peut-être mieux valu ?