« Et j’ai crié, crié-é Alain… | Accueil | La paie, c’est quand au Soir ? »

Du point virgule au poing sur la gueule.

L’automobiliste a râlé comme un malade, les nervis probablement venus des sociétés de gardiennage qui sont les mercenaires attitrés du patronat, sont descendus ficher la trouille aux grévistes du pont de Seraing. Denis Ducarme à défaut de monter sur l’autoroute bloqué est monté sur ses grands chevaux toujours à sa disposition dans les écuries du journal Le Soir. Le dénommé Reuter chef des entrepreneurs wallons a rugi de frayeur en voyant que la branche que les grévistes sciaient était aussi celle sur laquelle il est assis depuis quarante ans !
Les journalistes tous socialo-mouvement-réformateur-humanistes ont interviewé la mère de famille au bord de la crise de nerf because le bambin qui attend à l’école qu’on « vienne le chercher ». La crème antipopuliste s’en est donnée à cœur joie. Gerlache en a pleuré d’émotion. Les cinq cent mille chômeurs le sont de la faute à la FGTB et un peu moins de celle de madame Ska de la CSC, puisqu’elle a des diplômes et qu’elle pourrait jouer dans l’autre cour, avec des personnes mieux élevées.
Bref, on a eu droit au festival des conneries habituelles des mêmes, pas gênés d’en être à la quatre centième représentation d’une même répulsion de ce qui, dans le fond, les fait vivre, c’est-à-dire nous.
La grève c’est sale et les grévistes sont des malotrus.
Et rien, mais alors là, rien pour stigmatiser le compère de la rue de la Loi responsable premier de tout ce bordel pour son inaptitude à comprendre que la population en a marre de ce système économique et de la mondialisation qui poussent la Belgique aux abîmes.
Marre des taxes sur les taxes, de la mirobolante idée que les sacrifices des travailleurs et des crève-la-faim finiront par avoir raison de la crise et que demain, la croissance revenue, la Belgique redeviendra joyeuse comme à l’Expo de 58 !
Voilà dix ans que les différents partis de pouvoir entonne le même air et voilà dix ans que ce qu’ils prédisent ne se vérifient jamais. Le chômage augmente, la misère aussi. Ce n’est pas en démantelant les services publics, en jetant au CPAS et à la rue des catégories de chômeurs et de pensionnés que l’esquif qui est au fond de l’eau va brusquement revenir à flot.
Les tables rondes, les palabres en pleine digestion la tasse de café à la main, les poignées de main avant les discussions, rien du cérémonial feutré des salons chauffés à mort, ne pourront jamais égaler l’immersion des ministres dans le monde du travail pendant six mois au salaire moyen de 1400 € le mois, avant toute discussion. Ce serait le stage obligatoire avant l’entrée à la Chambre, une sorte d’examen, de maturité.
On n’en est pas là.

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On en est à l’épreuve de force, sachant que la grève même des plus exaltés, au bout de quelques jours, jettent l’éponge parce qu’ils ont des factures à payer, des traites à régler. Et ils savent bien cela ceux qui sont de l’autre côté à siroter leur pousse-café. Ils n’ont qu’à attendre et revenir dans les gazettes se plaindre des voyous de la rue. Ils regrettent même, ces crapules chics, de trop payer encore les ouvriers puisqu’ils sont capables de tenir une semaine sans rien gagner.
On en est là. On en est à attendre que la grève s’arrête toute seule. Les autorités finissent même par donner mauvaise conscience à ceux qui n’ont que leur petit salaire pour vivre en leur faisant valoir qu’ils contribuent à ruiner davantage le pays !
Les gazettes font le reste, donnent le coup de grâce. Charles Michel pose en victime. Il prend son air d’épagneul et voilà le public qui fond !
Moi je dis, qu’on ne peut plus faire grève en bon petit apprenti du monde moderne des affaires.
Il leur faut des pieds au cul à nos irremplaçables de la glose politique. Pas besoin de locution explicative. Ils veulent le système qui condamnent tout le monde sauf eux et quelques maquereaux du capitalisme militant, et bien il siérait de leur signifier que nous ne sommes pas d’accord par quelque chose de plus musclé qu’un préavis de grève et d’une attente que les pauvres types sortent tout seuls de leurs longs cercueils de tôle des bords de Meuse ou de zonings voisins, une grève de zombies, en quelque sort, pour faire époque révolue.
Le dialogue est rompu ? Mais, il n’a jamais eu lieu.
Cette bonne vieille méthode qui date du temps des corons est restée la même : c’est ça ou rien, leur dialogue !
Personnellement, je me fous des difficultés à boucler le budget et des « efforts » qui seront encore demandés en plus des taxes nouvelles et autres augmentations, tant qu’on ne m’aura pas justifié la différence de salaire qui existe entre Charles Michel et un bon ouvrier qualifié, tant qu’on ne m’aura pas convaincu qu’un PDG doit se mettre en poche plus de cent fois le salaire du non-qualifié pour que l’entreprise roule à fond, tant qu’on ne m’aura pas prouvé que la Bourse sert à quelque chose et que la rente, comme la propriété, veut promouvoir l’emploi et l’industrie.
Si la mondialisation consiste à aligner les salaires sur ceux qu’on gagne dans les manufactures du Bengladesh, qu’est-ce qui serait capable de nous faire croire que c’est ça « le progrès » qui nous attend ? Gerlache, peut-être, ou Bart De Wever ou n’importe quel trou-du-cul du cabinet du premier ministre ?
La population, même celle qui grogne dans les bouchons des autoroutes filtrées par les grévistes ne pourra jamais croire aux bobards des officiels.
Alors, merde, il faut ce qu’il faut. Mais que ce soit rapide, comme Flaubert qui ne croyait qu’en l’émeute, qu’on en finisse.

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