Le système Hayek (1).
La pauvreté du débat sur la façon de porter dans la rue une revendication qui devrait plutôt se négocier montre bien le mal dont cette société est atteinte. Des travailleurs bloquent des autoroutes parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement pour susciter un dialogue entre ceux qui prennent les décisions et ceux qui les subissent.
Qui ne comprend pas ça devrait prendre l’air du temps d’un CPAS ou dans la file d’un guichet « chômage » de la FGTB.
Comme de bien entendu, le pouvoir saute sur l’occasion pour apporter de l’eau à son moulin en ignorant superbement ce que cette escalade signifie dans son expression de violence.
Du coup celle-ci devient un accablement supplémentaire qui engendrera à terme plus de violence encore.
Les commentaires de presse qui auraient dû porter sur les raisons de ce fait-divers plutôt que le fait-divers lui-même donnent raison à ceux qui voient dans la situation actuelle une inquiétante prédisposition des médias à soutenir dans la pratique toute manifestation de néolibéralisme, du pouvoir et de l’opposition.
L’avènement en majesté du néolibéralisme ne s’explique que par l’effondrement du socialisme, reniant ses valeurs pour le droit de s’asseoir à la table des agapes bourgeoises.
Un petit exemple universel. Des ONG internationales qui suivent les mouvements de la pauvreté sur la planète constatent « le recul de ce fléau ». Le seuil de pauvreté dans le monde a été fixé à 1 € 50 par jour. Voilà qui apparaît comme un succès de la mondialisation. Personne parmi les observateurs ne s’est demandé s’il était décent de placer à 1 € 50 le seuil de pauvreté. Et si l’observatoire de la misère n’était pas en train de nous montrer un succès qui n’en est pas un ?
Le thatchérien masqué Charles Michel est en train de remplacer un système qui permettait à la fois d’assurer des gains de productivité et une redistribution des bénéfices engrangés entre les entrepreneurs et les travailleurs, par le néolibéralisme dont la mode se répand. C’est la théorie de Friedrich Hayek dont madame Thatcher et le président Reagan étaient adeptes. La liberté totale des entrepreneurs serait, selon Hayek, le seul moyen d’atteindre à la prospérité de tous. Évidemment, cette application d’une théorie sur l’économie ne peut se faire qu’en ne tenant aucun compte des observations social-démocratiques, d’où les fausses négociations qui ne sont en réalité que des conférences d’entérinement.
Cette nouvelle économie à sens unique a été possible parce que la mondialisation a changé les conditions de salaire et le social qui en découle. Les structures de l’emploi sont devenues délibérément plus complexes dans une démocratie politique qui a perdu tout son sens en abandonnant le pouvoir d’en décréter les règles.
Les partis sociaux-démocrates sont les grands perdants. Ils n’abordent pas la mondialisation comme il aurait été nécessaire par de grands débats sur la démocratie et la reconnaissance du travailleur, mais aussi citoyen.
Dans l’alliance avec les partis flamands de droite, le MR a sauté le pas et sous l’impulsion à la fois de Charles Michel et de Bart De Wever, il s’est mis au service de l’État thatchérien, comme son chef de file nous l’a ficelé il y a un an dans son pacte gouvernemental.
Les techniques de presse et de propagande qui avaient fusionné depuis longtemps sans que cela ne se devine ont montré toute leur capacité de nuisance dans différentes affaires et pas seulement dans les commentaires du blocage de l’E42.
Dans une situation où de l’avis unanime il est impossible de négocier, la violence est d’abord du côté des autorités même pas majoritaires en Wallonie, pour imposer au nom de la démocratie une politique « néo réactionnaire » sans connaissance du passé.
Certes l’opinion travaillée par la propagande et la presse réprouve le coup de l’E42 ; que Michel se méfie de cette désapprobation là. Elle pourrait très bien se retourner contre lui.
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1. Fragments d’un discours de Hayek : « Personnellement je préfère un dictateur libéral plutôt qu'un gouvernement démocratique manquant de libéralisme. Mon impression personnelle est qu’au Chili par exemple, nous assisterons à la transition d'un gouvernement dictatorial vers un gouvernement libéral » Pour rappel, le régime militaire dura de 1973 à 1989 et fit des milliers de morts.