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Comme en 40 !

Goblet et Ska ne décolèrent pas. Plus personne ne parle du social et à cause de quoi ?... de Molenbeek la commune qui en a le plus besoin !
Les Autorités et la bourgeoisie patriote haussent le ton officiellement, mais rient sous cape du bonheur qui leur arrive.
C’est comme si les travailleurs quasiment devenus des clochards pour ceux qui sont au minimum légal et les libéraux grassement payés dans les ministères avaient enfin trouvé un ennemi commun : Daech au point d’en oublier leurs différends et leur différence.
Et de fait, plus aucun jet de pierre au passage des bus, pas de barrage sur l’E40 et un front commun syndical… sur un cesser le feu total.
Les journaux ont bien senti aussi que l’attention des lecteurs n’était plus sur les taxes indécentes et les impôts prohibitifs. Brusquement, se croyant en guerre le bon peuple des rues trouve normal les restrictions, se félicite d’être en première ligne et n’a pas encore la réflexion amère sur les planqués de la rue de la Loi. On trouve même que certains types de fonctionnaires ne sont pas assez nombreux !
On se voudrait câblés à l’extrême, une greffe d’antenne au sommet du crâne directement reliée au ministère de l’intérieur !
La FEB qui a compris le virage est aux abonnés absents. Charles Michel rédige ses beaux discours futurs sur la guerre totale contre le terrorisme sans avoir la tête prise par les mensonges de Jacqueline Galant. Les avions qui survolent Bruxelles s’en donnent à cœur joie. Didier Reynders adopte le langage des poilus comme en 14. Son air martial le rajeunit. La jugulaire lui remonte le menton, le casque le rend moins bouffi.
Les banques préparent en sous-main les augmentations des frais à la clientèle en guise d’étrennes.
Pour un peu, si on n’était pas en crise économique, on se croirait revenu aux Trente Glorieuses !
Quatre sujets en un concentrent l’attention du journaliste qui n’a plus à se disperser pour remplir les colonnes de son quotidien : le Bataclan, Molenbeek, l’attentat déjoué de Saint-Denis et l’appareillage du Charles de Gaulle.
Le gouvernement recense le positif de toute guerre.
Il existe encore des rapports médicaux sur l’état de santé des populations belges de 40 à 45. La sous alimentation des pauvres les a sauvés du diabète, de l’obésité et des crises cardiaques.
Le danger des bombardements alliés, des arrestations de l’Occupant et la dispersion des familles, le père au stalag, le fils dans la résistance et la mère libérée avant les Femens pour une vie sexuelle enfin épanouie ont fait chuter les dépressions nerveuses et les tentatives de suicide.

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La curiosité aux événements a donné le goût de l’histoire et la géographie aux étudiants. De grandes cartes d’Europe collées au mur étaient percées de petites épingles sommées de petits drapeaux russes et nazis que les plus compétents déplaçaient selon les informations de la BBC ou Radio Paris dans le respect strict de leur appartenance idéologique.
Bref, jurent les plus optimistes, c’était une époque curieuse où l’on ne parvenait pas vraiment à être tout à fait heureux ou malheureux, ce qui donnait de la marge à toutes les espérances.
Les enfants jouaient avec les masques à gaz de la défense passive. Ils se fabriquaient des petits Stukas en bois avec lesquels ils faisaient un bruit terrible dans les cages d’escalier. On n’avait pas la peur que l’on a aujourd’hui au moindre coup de feu. Au contraire, les patriotes regardaient de leur fenêtre les bombardiers alliés qui s’en allaient détruire Dresde. Personne n’avait envie de descendre à la cave. Tout le monde était catholique. Les cathos « chiites » combattaient pour la grande Europe à Tcherkassy et les cathos « sunnites » comptaient sur les Américains pour qu’ils les débarrassent des Fritz, mais tous étaient le dimanche à la messe de dix heures et s’embrassaient à la sortie. On évitait de parler de Léon Degrelle.
Ska et Goblet, s’ils avaient existé à l’époque auraient sans doute apprécié de revenir des camps en 45 et laissé quinze ou vingt années plus tard leur nom sur un square ou une rue nouvelle.
De toute façon, restés au pays, ils n’avaient que le choix de travailler à la mine ou à la FN afin de participer à l’effort de guerre des adolphins ou apprendre le tir à la Sten dans les bois de Libramont. Les grèves étaient interdites et on ne rigolait pas en recevant sa paie le samedi soir. Le syndicat s’appelait l’UTMI. Personne n’y mettait les pieds, sauf à y être convoqué. Pour y être bien accueilli il fallait faire le salut nazi, sans quoi on était expédié au cœur de l’Allemagne chez Messerschmitt à faire ses douze heures par jour de boulot.
On commence à comprendre pourquoi Charles Michel juge la situation de guerre, sous un angle plutôt favorable.

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